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Egalité de traitement entre hommes et femmes
Une salariée peut-elle demander la communication de bulletins de paie non anonymisés de collègues masculins dans le cadre d'une affaire relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes ?
Oui, a précisé la Cour de cassation le 8 mars 2023.
L'affaire
Une salariée, qui avait successivement occupé deux postes dans deux entreprises d'un même groupe, considérait avoir subi une inégalité salariale par rapport à ses collègues masculins occupant ou ayant occupé ces postes.
Elle a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins d'obtenir la communication notamment des bulletins de paie de collaborateurs masculins précités.
En appel
En appel, les juges ont fait droit aux demandes de la salariée et ont notamment ordonné aux deux sociétés de communiquer les bulletins de paie de 8 salariés.
Avec cette particularité qu'ils avaient jugé que les données personnelles apparaissant sur les bulletins devaient être occultées à l'exception des noms, prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
Pourvoi en cassation
Les deux sociétés ont formé un pourvoi en cassation sur le fondement :
- D'une part du RGPD qui prévoit un droit à la protection des données personnelles au profit des individus dont les données sont collectées, en particulier par l'employeur et pour une certaine finalité ;
- D'autre part les articles 6 et 8 de la CEDH lesquels doivent être combinés afin de permettre à la fois un droit à la preuve qui ne peut porter atteinte au droit à la vie privée des salariés que si la production des éléments concernés est indispensable et que l'atteinte est proportionnée au but poursuivi.
En particulier, les employeurs estimaient que la salariée avait déjà en sa possession un certain nombre de documents et d'éléments à produire au soutien de sa demande (rapports égalité hommes / femmes, écarts de rémunération, index de l'égalité hommes/femmes).
La Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel :
- Sur le RGPD, elle considère que le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et qu'il doit être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux (droit au recours effectif, tribunal impartial) ;
- Par ailleurs, la Haute Cour rappelle que si la production d'éléments peut être décidée, le juge doit vérifier si les mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et si elles sont proportionnées au but poursuivi eu égard à l'objectif de l'article 145 du CPC (conserver ou établir des preuves avant le procès) et à l'atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, et, doit, le cas échéant, cantonner le périmètre de production des pièces, ce qui avait été fait, en l'espèce, en appel.
Cass. Soc. 8 mars 2023 n° 21-12.492
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