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Présomption de démission pour abandon de poste : la décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’État avait été saisi par plusieurs syndicats qui contestaient le décret du 17 avril 2023, lequel prévoit les modalités d’application du dispositif de présomption de démission en cas d’abandon de poste (issu de la loi du 21 décembre 2022).
Le 13 décembre 2024, le Conseil d’État a rejeté les demandes d’annulation du décret, écartant notamment les arguments relatifs à l’application de la convention n°158 de l’OIT sur le licenciement, laquelle impose à l'employeur de verser les indemnités de rupture lorsque la rupture est à l'initiative de ce dernier.
Il précise, dans sa décision, que le salarié doit être informé des conséquences que peut avoir l’absence de reprise du travail sans motif légitime.
Ainsi, selon le Conseil d'Etat, la mise en demeure « a pour objet de s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste du salarié, en lui permettant de justifier son absence ou de reprendre le travail dans le délai fixé par l’employeur ». Dès lors, « pour que la démission du salarié puisse être présumée [...], ce dernier doit nécessairement être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail sauf motif légitime justifiant son absence ».
Il ajoute que la présomption de démission est écartée lorsque l’abandon de poste « est justifié par un motif légitime » (raisons médicales, exercice du droit de retrait, droit de grève, refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur).
Conseil d’État, 18 décembre 2024, n°473640
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Résiliation judiciaire en cas de tardivité dans la recherche de reclassement d’un salarié inapte
À la suite d’un accident du travail, un conducteur routier était déclaré inapte le 11 juin 2019, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
- L’employeur reprenait le paiement du salaire en septembre 2019 et interrogeait le salarié le 10 octobre 2019 pour lui demander s’il accepterait un reclassement à l’étranger.
- L’employeur consultait les autres sociétés du groupe pour un éventuel reclassement le 29 novembre 2019.
- Le salarié saisissait le conseil de prud'hommes le 31 janvier 2020 d’une demande de résiliation judiciaire en raison de la lenteur de l’employeur à engager la procédure de reclassement, puis la procédure de licenciement.
- Le salarié était finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 mars 2020, soit plus de 9 mois après la déclaration d'inaptitude.
Dans un premier temps, la cour d’appel écartait la demande de résiliation judiciaire car « l’obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n’est pas enfermée dans un délai ». Dès lors, il ne pouvait, selon elle, y avoir manquement de la part de l’employeur à ses obligations contractuelles ou légales.
La Cour de cassation juge toutefois qu’il ressortait de ces constatations que le salarié avait été maintenu dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud’homale. La cour d'appel aurait dû en déduire « l’existence d’un manquement de l’employeur à ses obligations ».
L’affaire est renvoyée par la Cour de cassation devant une autre cour d’appel.
Cass. soc., 4 décembre 2024, n° 23-15.337
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La nullité du licenciement est encourue si la lettre reproche au salarié d’avoir remis en question l’évaluation de son travail
Une salariée était licenciée pour faute en raison de la mauvaise gestion d’un dossier et pour avoir contesté de manière abusive l’évaluation de son travail par son employeur. La salariée avait en effet affirmé, en réponse à cette évaluation « je n'ai jamais douté de mes capacités à bien faire et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer ».
La lettre de licenciement mentionnait également « les attitudes négatives » adoptées par la salariée lors de l’entretien préalable de licenciement.
En appel, la cour saisie juge que l’employeur a porté atteinte à la liberté d’expression de la salariée :
- en lui reprochant de remettre en question l’évaluation faite de son niveau de compétences, sans démontrer que les réserves exprimées par la salariée avaient été abusives.
- en retenant l’attitude passive de la salariée au cours de l’entretien préalable.
Les juges ont par ailleurs considéré que les termes employés par la salariée dans son courriel n’étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l’endroit de l’employeur. Dès lors, ils ont pu en déduire que le licenciement était nul, considère la Chambre sociale.
Cass. soc., 14 novembre 2024, n° 23-16.731
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Travailler amicalement sur un chantier pendant un arrêt pour accident du travail n'est pas une faute grave
Un salarié maçon, en arrêt de travail pour accident du travail, avait été licencié pour faute grave pour :
- avoir effectué des travaux de maçonnerie chez l’un de ses amis durant son arrêt de travail, malgré un premier un avertissement pour des faits de même nature ;
- s’être approprié du matériel de la société sans autorisation.
La cour d’appel avait jugé que :
- l’exercice d’une activité concurrente n’était pas établi dès lors que le salarié était intervenu à titre amical. L’employeur ne démontrait pas en effet la perception par le salarié d'une rémunération pour son travail ;
- la récupération de bidons abandonnés, y compris dans l’enceinte de l’entreprise, ne constituait pas une faute grave.
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Rappel des conditions pour être "cadre dirigeant"
Une directrice de maison familiale rurale, licenciée pour faute grave, réclamait en justice notamment le paiement de rappels de salaires au titre d'heures supplémentaires.
L’employeur soutenait que la salariée, qui avait le statut de « cadre dirigeant », était exclue de l’application de la législation sur la durée du travail.
La cour d'appel saisie, tout comme la Cour de cassation, ont rejeté l'argumentation de l'employeur.
La Cour de cassation a rappelé que les critères cumulatifs définis à l’article L. 3111-2 du Code du travail « impliquent que seuls peuvent relever de cette catégorie les cadres participant effectivement à la direction de l’entreprise ». Or, en l’espèce, la salariée avait présenté des documents attestant de son absence d’autonomie en matière de gestion du personnel, les décisions étant prises par la présidente de l’association.
Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-19.421
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[Interview]
Le Conseil d’État valide la présomption de démission en cas d’abandon de poste
Maître Anne Leleu-Eté, Associée, a été interviewée par le magazine Décideurs RH à la suite de la décision rendue par le Conseil d'Etat concernant la présomption de démission en cas d'abandon de poste.
Retrouvez l'interview ici.
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