Publication datée du : 21/11/2024

La news Théma – Les accidents du travail

La news Thema
"Les accidents du travail"
#12 — 21 
novembre 2024"

 

La jurisprudence en matière d'accidents du travail évolue continuellement. Cette News Théma se penche sur les arrêts les plus récents, qui mettent en lumière les tendances actuelles en la matière.

Bonne lecture !

 

1

Malaise lié au travail : quand joue la présomption d'imputabilité ?

Plusieurs affaires récentes montrent que la diversité des circonstances de faits et la disparité des décisions ne permettent pas de présupposer de l'appréciation d'une CPAM dans ce type de situation, l'appréciation étant néanmoins favorable au salarié victime dans la plupart des cas. 
 

  • Le malaise lors d'un entretien avec la RRH, au temps et au lieu du travail, est présumé avoir une origine professionnelle

La CPAM, tout comme la cour d'appel, avaient refusé de reconnaître le caractère professionnel d’un malaise survenu lors d’un entretien dans le bureau d'une responsable des ressources humaines. 
 

Elle avait considéré que le salarié ne rapportait pas la preuve qu’un évènement soudain était survenu au temps et au lieu de travail, d’autant plus que le questionnaire rempli par l’employeur décrivait un entretien qui s'était déroulé "dans des conditions normales".

La Cour de cassation rappelle toutefois que, dès lors que le malaise de la victime est survenu aux temps et lieu de travail, ce qui est le cas en l'espèce, l’accident est présumé revêtir un caractère professionnel, peu importe que, selon l’employeur, l’entretien se soit déroulé dans des conditions "normales".

Cass. Civ 2ème, 19 octobre 2023, n°22-13.275
 

  • Malaise déclenché par la réception d'une convocation à un entretien disciplinaire

Le malaise à la suite de la réception par un salarié, à son domicile, d’une lettre de convocation à un entretien disciplinaire, peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle, si la CPAM n'est pas en mesure de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail. 

Pour la Cour d'appel de Lyon, l'absence de témoins ne peut pas faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors que la lettre reçue au domicile du salarié était relative à son activité professionnelle, que cet événement précis et daté était corroboré par un élément objectif, à savoir la réception d'une lettre de convocation à entretien préalable, par le certificat médical établi le même jour et par la nature des séquelles médicalement constatées.

Il n'était pas nécessaire de prouver l'existence de conditions anormales de la remise de cette information pour caractériser un accident du travail.

CA de Lyon, 12 mars 2024, n°21/06160
 

  • Malaise devant une commission disciplinaire
Cette position avait déjà été validée par la Cour de cassation dans une autre affaire, concernant le malaise d'une salariée devant la commission consultative paritaire chargée de rendre un avis sur son licenciement, dans un contexte de suspension du contrat de travail (Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-18.798).

Position également suivie par la Cour d'appel de Metz dans une affaire où un salarié avait découvert, après une période d'absence, un compte-rendu de réunion dans lequel il était personnellement mis en cause. La Cour d'appel reconnaît le caractère professionnel du choc psychologique dès lors qu'il existe un fait anormal par sa brutalité, son imprévisibilité, son exceptionnalité ou son écart, en contradiction néanmoins avec la jurisprudence de la Cour de cassation tel qu'exposer ci-dessus, qui ne fait pas toujours usage de ces critères (CA de Metz, 22 juillet 2024, n° 22/01385).

2

Accident du travail en télétravail 

Une salariée en télétravail avait chuté dans les escaliers de son domicile alors qu'elle allait déjeuner dans sa cuisine. Ses lésions avaient fait l’objet d’un arrêt de travail.

La CPAM de l'Oise avait considéré que l'accident ne pouvait pas avoir une origine professionnelle, dans la mesure où la salariée n'était plus sous la subordination de son employeur au moment de la chute, car elle avait déjà "débadgé" avant son accident.

Raisonnement invalidé par les juges de première instance et d’appel dans cette affaire.

La Cour d’appel d'Amiens rappelle en effet la présomption dont bénéficient les télétravailleurs lorsqu'un accident survient sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l'exercice de l'activité professionnelle. La Cour d’appel met également en exergue la plage horaire variable en vigueur dans l’entreprise pour la pause déjeuner (entre 11 heures 30 et 14 heures), laquelle était, selon elle, assimilable à du temps de travail et permettait l’application de la présomption d’imputabilité en l’absence d’interruption du travail pour motif personnel.

Allant à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 26 avril 2024, n° 23/00840), cette appréciation extensive du temps de travail mériterait d'être contrôlée par la Cour de cassation afin de définir des règles claires, ce que ne permet pas encore la jurisprudence dans ce type de situation.
 

CA Amiens, 2 septembre 2024, n°23/00964

3

Accident du travail pendant la mission du salarié

Tout accident survenu pendant la mission du salarié est un accident du travail, qu'il se révèle à l'occasion d'un acte professionnel ou de la vie courante. Le caractère professionnel de l'accident peut être contesté en démontrant l'interruption de la mission pour motif personnel ; c'est ce que deux employeurs ont essayé de démontrer dans ces arrêts, en vain. 
 
  • Accident de skate-board
Une hôtesse de l'air, en escale de vol "long courrier", avait chuté lors d'un déplacement en skate-board depuis son hôtel jusqu'à un restaurant.

L'employeur mettait en avant que la salariée bénéficiait d'une chambre personnelle et d'un restaurant au sein du même établissement avec un service de chambre, de sorte que ce déplacement était un choix personnel.

Raisonnement invalidé par la Cour d'appel de Paris, laquelle juge que le fait que la salariée effectuait ledit trajet lors d'une période de repos en escale ne peut pas remettre en question la nature de la mission en cours. Le trajet en skate-board était un acte de la vie courante et ne résulte pas d'une volonté de se soustraire à l'autorité de l'employeur, la mission pouvant être entendue comme un déplacement occasionnel ou habituel, inhérent aux fonctions de la salariée. 

CA Paris, 26 avril 2024, n°21/02321
 

  • Accident de patinage
Lors d'une formation de 3 jours, une salariée s'était blessée après s'être rendue en fin de journée à la patinoire avec ses collègues. 

L'employeur faisait valoir que la salariée n'était pas sous son autorité et pratiquait le patinage à titre personnel, interrompant sa mission pour motif personnel. 

La Cour d'appel d'Amiens a rejeté ce raisonnement. La salariée s'était en effet, rendue à la patinoire en compagnie de ses collègues ; l'employeur échouait à démontrer l'interruption de la mission pour motif personnel, l'activité n'étant pas pratiquée seule.

CA Amiens, 21 mai 2024, n°22/02047

4

Procédure de reconnaissance de l’AT : bien contrôler les déclarations du salarié

Un employeur, qui contestait une décision de prise en charge d’un accident au titre de la législation professionnelle, a eu gain de cause.
 
Pour refuser la nature d'accident du travail, les éléments suivants ont été relevés par les juges d'appel :

  • Il n'y avait aucun témoin, en dépit du fait que la victime travaillait en équipe ;
  • L'attestation d'un collègue de travail révélait son intention de feindre un accident du travail quelques jours avant la survenue de l'accident litigieux, en raison d'un climat de tension avec son employeur ;
  • La victime n'avait pas été interrogée sur l'ensemble du dossier lors de l'enquête diligentée par la caisse ;
  • En outre, la victime avait été conduite à l'hôpital sur sa demande insistante, alors qu'habituellement, ce type d'accident est suivi d'une consultation par le médecin traitant de la victime.

Enfin, la lésion mentionnée sur le certificat médical, une lombosciatique, n'était pas visible à l'œil nu, les juges relevant que la victime avait en revanche affirmé souffrir d'une douleur à la jambe au moment de la déclaration de l'accident.

La Cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont donné raison à l’employeur, les juges déduisant des éléments relevés que la matérialité de l'accident déclaré n’était pas démontrée.

Voici donc un arrêt qui montre que l’analyse approfondie des circonstances de faits est primordiale et peut permettre par exemple à l'employeur d'obtenir gain de cause dans ce type de dossier.

Cass. Civ. 2ème,1er juin 2023, n°21-21.281

5

Contestation de l'origine professionnelle : absence de communication du rapport médical à l’employeur

A la suite de la prise en charge par la CPAM de l'accident d'un salarié, une société avait saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA), puis, après décision implicite de rejet, la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale pour contester l'imputabilité des arrêts de travail et soins prescrits au salarié.

Dans le cadre de ce recours, la société avait désigné un médecin pour recevoir le rapport médical du praticien conseil de la caisse. Or, ce dernier n'avait pas transmis son entier rapport ni à la CMRA, ni au tribunal judiciaire, ni au médecin mandaté par l'employeur. Pour l'employeur, la prise en charge des arrêts de travail et de la nouvelle lésion devait donc être déclarée inopposable.

La Cour de cassation rappelle toutefois qu'au stade du recours préalable, ni l'inobservation des délais de transmission du rapport, ni l'absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraînent l'inopposabilité de la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité d'obtenir, à l'occasion d’un recours contentieux, la communication du rapport médical.

Cass. civ. 2ème, 11 janvier 2024, n°22-15.939

6

Contestation de l'origine professionnelle : date de consultation du dossier

Un employeur avait saisi le tribunal judiciaire d’une demande en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’un accident. Selon lui, la procédure était irrégulière en raison de la date d’information sur la phase de consultation et d’observation du dossier, intervenue préalablement aux investigations et non à leur issue.

La Cour de cassation précise à cet égard que rien n’oblige la CPAM à communiquer a posteriori des investigations les informations relatives à la phase de consultation et d’observation ; elle doit simplement le notifier aux parties au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation. Il n’est nullement imposé à la CPAM de procéder à deux envois d’informations distincts au cours de la procédure.

Cass. civ. 2ème, 29 février 2024, n°22-16.818

Pensez-y !

Notre cabinet accompagne ses clients en matière de sécurité sociale et de recours à l'encontre des décisions de la CPAM de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail.

N’hésitez pas à contacter les membres de notre équipe, nous serons ravis de vous aider.

S'inscrire à notre lettre d'information

En vous inscrivant à notre lettre d'information, vous recevrez régulièrement nos dernières actualités en matière de droit du travail, droit social, etc. Renseignez simplement votre adresse email ci-dessous puis cliquez sur « S'inscrire ».

Prendre RDV