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Irrecevabilité des courriels personnels comme preuve, même trouvés sur le bureau du salarié
Un salarié a été licencié pour faute lourde, mesure qu’il a contestée devant le Conseil de prud’hommes en invoquant que les preuves produites en justice par l’employeur (ses échanges de courriels avec une société tierce et provenant de sa messagerie personnelle) étaient illicites dès lors que cette production portait notamment atteinte au secret des correspondances.
Si le Conseil de prud’hommes lui a donné raison, la Cour d’appel a tranché en faveur de l’employeur aux motifs que :
- la charge de la preuve du caractère illicite des courriels échangés entre le salarié et son interlocuteur incombe au salarié ;
- le salarié ne démontre pas que c'est par une fouille dans ses effets personnels que son employeur les a découverts, alors qu'il affirme lui-même que ces documents se trouvaient dans les locaux professionnels et qu'il reconnaît qu'il était absent de la société lors de leur appréhension ;
- la production de ces courriels en justice était donc licite.
La Cour de cassation censure cette analyse de la Cour d’appel et retient que :
- il n'était pas contesté que les documents litigieux découverts par l'employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu'étant identifiés comme personnels, l'employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié ;
- la Cour d’appel aurait dû déduire que la preuve avait été obtenue de manière illicite.
Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°23-14.465
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Obligation de reclassement en cas de licenciement économique : l’offre doit contenir toutes les mentions obligatoires prévues par les textes
Avant d’être licenciée pour motif économique, une salariée (vendeuse spécialisée) avait refusé une offre de reclassement (de magasinière).
La salariée a contesté son licenciement en soutenant que l’offre de reclassement était imprécise car elle ne contenait pas toutes les mentions prévues par l’article D.1233-2-1 du Code du travail (à savoir : l'intitulé du poste et son descriptif ; le nom de l'employeur ; la nature du contrat de travail ; la localisation du poste ; le niveau de rémunération ; la classification du poste).
La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a donné raison à la salariée en retenant que, à défaut de l'une des mentions précitées, l'offre de reclassement est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Or, en l’occurrence, l'offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l'employeur, ni la classification du poste, ni la nature du contrat de travail. Dès lors, selon la Cour, l'employeur n'avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d'une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cass. soc. 23 octobre 2024, n° 23-19629
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La suspension du règlement intérieur peut être demandée par un syndicat
Un salarié a saisi les juges d’une demande d'annulation de sa mise à pied disciplinaire, sanction prévue par le règlement intérieur de l’entreprise.
Un syndicat est intervenu à l’instance pour demander l’inopposabilité du règlement intérieur à tous les salariés de l'entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur de certaines formalités substantielles.
La Cour de cassation ne fait pas droit à la demande du Syndicat, jugeant qu’un syndicat n'est pas recevable à demander au juge, statuant au fond, la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise, en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par le texte précité.
En revanche, elle précise qu'un syndicat est recevable à demander, en référé, la suspension du règlement intérieur d'une entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Cass. soc. 23 octobre 2024, n° 22-19726 FB
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Un accord collectif à durée déterminée peut être reconduit tacitement à condition de pouvoir être dénoncé
Un accord collectif à durée déterminée sur la mise en place du Comité Social et Économique (« CSE ») a été signé le 22 février 2019 au sein d’une Unité Économique et Sociale (« UES ») par deux organisations syndicales (CFDT et FO). Cet accord, entré en vigueur le 7 juin 2019, a été dénoncé par l’UES par LRAR du 3 mars 2023, reçue par la CFDT le 7 mars 2023.
Le 4 avril 2023, une requête a été déposée afin que soit jugé que l'accord du 7 juin 2019 a été renouvelé par tacite reconduction pour la période du 7 juin 2023 au 6 juin 2027 compte tenu de la dénonciation tardive de l'accord par l'UES.
En première instance, le juge a considéré que l’accord collectif a cessé de produire ses effets le 7 juin 2023, au terme de sa durée déterminée de 4 ans. Les requérants ont attaqué cette décision devant la Cour de cassation en invoquant que cette dénonciation était sans effet, car tardive, et que l’accord avait été tacitement reconduit pour une nouvelle période de 4 ans, du 7 juin 2023 au 6 juin 2027. In fine, la Cour de cassation retient que :
- un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu'il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l'accord produisant ses effets au terme de celui-ci,
- mais à la condition de respecter le délai de préavis fixé par l'accord avant l'expiration du terme.
En l’espèce, la Cour de cassation rappelle que l'accord est entré en vigueur le 7 juin 2019 et que l'UES a dénoncé cet accord par lettre du 3 mars 2023. Elle en conclut que la dénonciation a été adressée dans le respect du délai conventionnel de préavis de trois mois avant l'expiration du terme, et que l’accord a donc a cessé de produire ses effets le 7 juin 2023.
Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 23-17460
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Rémunération variable et communication des objectifs : précisions sur la langue dans laquelle les objectifs peuvent être rédigés
Une salariée a sollicité un rappel de salaire au titre de sa rémunération variable en avançant l’argument suivant : les objectifs fixés par son employeur lui étaient inopposables dès lors qu’ils étaient rédigés en anglais.
La Cour d’appel a donné raison à la salariée et, pour se défendre devant la Cour de cassation, l’employeur a avancé l’argument suivant :
- la règle selon laquelle les objectifs doivent être rédigés en français n'est pas applicable aux documents reçus de l'étranger ;
- les documents en anglais relatifs aux objectifs adressés à la salariée provenaient de ses supérieurs hiérarchiques situés à l'étranger ;
- en conséquence, ils étaient opposables à cette dernière.
La Cour de cassation valide l’argument de l’employeur, sans pour autant lui donner raison. En effet, elle énonce bien que « sauf s'ils sont reçus de l'étranger, les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle doivent être, pour être opposables au salarié qui n'est pas étranger, rédigés en langue française ». Pour autant, elle donne raison à la salariée. On ne peut donc qu’imaginer que :
- l’employeur n’a pas été en mesure de démontrer que ces objectifs avaient bien été envoyés de l’étranger ;
- la Cour de cassation ne sanctionne pas la Cour d’appel qui n’a pas effectué cette vérification de la provenance des objectifs par elle-même.
Cass. soc. 2 octobre 2024, n° 23-14429
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[Interview]
Le racisme dans l'entreprise
Notre associée Anne Leleu-eté a été interviewée par l’Humanité Magazine au sujet des faits de racisme dans les entreprises qui se multiplient.
Article à retrouver ici
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