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L'accident du télétravailleur pendant sa pause déjeuner peut être un accident de travail
Une salariée en télétravail avait chuté dans les escaliers de son domicile alors qu'elle allait déjeuner dans sa cuisine. Ses lésions avaient fait l’objet d’un arrêt de travail.
La CPAM de l'Oise avait considéré que l'accident ne pouvait pas avoir une origine professionnelle, dans la mesure où la salariée n'était plus sous la subordination de son employeur au moment de la chute, dès lors "débadgé" à 12h30.
Raisonnement invalidé par les juges de première instance et d’appel dans cette affaire.
La Cour d’appel d'Amiens rappelle en effet la présomption dont bénéficient les télétravailleurs lorsqu'un accident survient sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l'exercice de l'activité professionnelle. La Cour d’appel met également en exergue la plage horaire variable en vigueur dans l’entreprise pour la pause déjeuner (entre 11 heures 30 et 14 heures), laquelle était, selon elle, assimilable à du temps de travail et permettait l’application de la présomption d’imputabilité en l’absence d’interruption du travail pour motif personnel.
Cette appréciation extensive du temps de travail mériterait d'être contrôlée par la Cour de cassation afin de définir des règles claires, ce que ne permet pas encore la jurisprudence dans ce type de situation.
Cour d'appel d'Amiens, 2 septembre 2024, RG n°23/00964
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Nullité du licenciement : une prescription de 5 ans sous condition
Un salarié avait dénoncé des faits de harcèlement moral auprès de son employeur. Il avait ultérieurement été licencié pour cause réelle et sérieuse, en raison d’autres griefs non liés à cette situation. Plus de deux ans après la rupture, le salarié saisissait le conseil de prud'hommes aux fins de voir requalifier son licenciement en licenciement nul, estimant avoir été licencié en raison de la dénonciation des faits de harcèlement.
Appliquant strictement les textes, la cour d’appel avait jugé cette demande irrecevable car prescrite, puisque formulée au-delà du délai légal de 12 mois dont bénéficiait le salarié pour contester son licenciement.
La Cour de cassation censure cette analyse et juge que le fait pour un salarié d’engager une action en nullité du licenciement fondée sur la dénonciation d’un harcèlement moral lui permettait de bénéficier de la prescription quinquennale afférente.
Il s’agit d’une décision importante à retenir dès lors que des faits de harcèlement moral sont fréquemment soulevés en contentieux.
Cass.soc., 9 octobre 2024, n°23-11.360
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Acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail d'origine professionnelle antérieur à 2024
Une salariée avait été placée en arrêt de travail successivement pour maladie non-professionnelle puis pour accident du travail. Déclarée inapte, elle avait été licenciée en 2020. Elle avait ensuite saisi le conseil de prud'hommes en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre de ces différentes périodes d'arrêts.
La cour d’appel saisie avait notamment débouté la salariée de sa demande au titre de la période d’arrêt de travail pour accident du travail, au motif qu’elle ne pouvait pas acquérir de congés payés au-delà d’une durée de suspension d’un an, en application des dispositions alors applicables.
Pour la Cour de cassation, les dispositions antérieures du Code du travail français devaient toutefois être écartées en raison de leur non-conformité au droit de l’Union européenne, quand bien même elles n’avaient pas été modifiées par la loi DDADUE (pour la période antérieure au 24 avril 2024). Selon la Cour de cassation, le fait que ces dispositions ne soient pas conformes au droit de l’Union justifie de laisser la réglementation nationale inappliquée, ce qui pourrait permettre à la salariée d’obtenir un droit à congés payés conséquent devant la cour d’appel de renvoi.
Dans un contexte où ce point restait en suspens depuis l’entrée en vigueur de la loi DDADUE, attendons-nous à quelques contentieux supplémentaires de la part de salariés qui se trouveraient dans cette configuration.
Cass.soc., 2 octobre 2024, n°23-14.806
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Quels délais de prescription pour la clause de non-concurrence ?
La démission d'un salarié prenait effet le 26 février 2015. Le 26 février 2018, il saisissait le conseil de prud’hommes de multiples demandes en dommages et intérêts et en paiement d’une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence et de la clause de non-sollicitation de clientèle insérées dans son contrat de travail.
La cour d’appel rejetait l’intégralité des demandes du salarié en raison de la prescription des faits lors de la saisine.
La Cour de cassation nuance le propos en fonction des demandes du salarié. Pour elle :
- La demande de dommages et intérêts au titre de la nullité des deux clauses visées ci-dessus était prescrite, dès lors qu’il s’agissait d’une action portant sur l’exécution du contrat (délai de prescription de deux ans à compter de la mise en œuvre des clauses concernées).
- Le délai de prescription de trois ans applicable en cas de demande de paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’était pas écoulé, car ce délai courait uniquement à compter de la date à laquelle la somme était devenue exigible (pour rappel, pour les créances mensuelles, la date à retenir est celle de l’exigibilité du salaire, à savoir la date habituelle de paiement dans l’entreprise).
- Enfin, la demande de dommages et intérêts pour violation et non-paiement de la contrepartie financière par l'employeur n’était pas prescrite, dès lors que la prescription de deux ans applicable démarrait à compter de la date à laquelle il n'était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence, c’est à dire à l'expiration de l’obligation contractuelle de deux ans.
Il s’agit ainsi d’un arrêt assez intéressant dès lors qu’il couvre un certain nombre de situations et de demandes en matière de clause de non-concurrence.
Cass. soc., 2 octobre 2024, n°23-12.844
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Discrimination : la production de bulletins de paie est conforme au RGPD
Dans cette affaire, un conseil de prud’hommes avait estimé ne pas avoir assez d’éléments pour constater une discrimination syndicale. Il avait alors enjoint l’employeur de communiquer des historiques de carrière et des bulletins de salaire du mois de décembre sur dix années concernant neuf salariés.
Dans son pourvoi, l'employeur tentait de faire valoir la non-conformité d'une telle injonction avec les règles issues du RGPD, sans succès.
En effet, la Cour de cassation estime que la production des bulletins de paie est conforme au RGPD. Elle précise que le traitement des données personnelles concernées, à savoir la production de bulletins de paie en justice ne répond pas à la finalité de la collecte des données personnelles des personnes concernées, de sorte que pour être justifiée, une telle mesure doit être nécessaire et proportionnée et garantir la protection des procédures judiciaires.
Tel est le cas lorsque le litige porte sur une éventuelle discrimination syndicale, compte tenu des règles en matière de charge de la preuve.
A noter que la deuxième chambre civile rappelle bien dans quel contexte la chambre sociale admet que la communication de bulletins de paie puisse être ordonnée par le juge ; voici donc l’occasion de refaire le point sur les exigences jurisprudentielles en la matière.
Cass. 2e civ., 3 octobre 2024, n°21-20.979
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