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Le licenciement pour faute grave fondé sur des emails privés échangés via la boîte email professionnelle du salarié est nul
Un salarié a été licencié pour faute grave car il avait adressé, avec sa messagerie professionnelle, à un autre salarié et des personnes extérieures à l’entreprise, des emails, non-identifiés comme personnels, contenant notamment des blagues et commentaires humoristiques vulgaires et graveleux véhiculant une image stéréotypée, dégradante et attentatoire à la dignité de la femme. Le salarié a contesté son licenciement.
La Cour de cassation a confirmé la nullité du licenciement retenu par les juges du fond, en se fondant sur la protection de la vie privée du salarié au temps et au lieu du travail. Pour prendre cette décision, la Cour de cassation a notamment rappelé que :
- le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée qui implique le secret des correspondances.
- l'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, utiliser le contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, pour le sanctionner.
- qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
- le caractère illicite du motif du licenciement fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, en violation du droit au respect de l'intimité de sa vie privée, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
En l’espèce, elle a rappelé que la conversation était de nature privée (donc pas destinée à être rendue publique) et ne constituait donc pas un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail. Dès lors, le licenciement pour motif disciplinaire ne pouvait qu’être annulé.
Cass. Soc. 25/09/2024, n°23-11860
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Un licenciement motivé par un fait de la vie personnelle non-attentatoire à la vie privée ne peut pas être annulé
Un conducteur de bus de la RATP a, après sa journée de travail, été contrôlé par la Police à bord de son véhicule personnel en possession d’un sac contenant de la résine de cannabis.
L’employeur, après avoir eu connaissance de ce contrôle par un signalement de la Police, a licencié le salarié pour faute grave pour le motif suivant : « propos et comportements portant gravement atteinte à l’image de l’entreprise et incompatibles avec l’obligation de sécurité de résultat de la RATP tant à l’égard de ses salariés que des voyageurs qu’elle transporte ».
Le salarié a contesté ce licenciement. Cette affaire est arrivée devant la Cour de cassation qui a dû se prononcer sur le fait de savoir si ce licenciement, dans le cas où il serait injustifié, devrait être jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, ou nul.
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation rappelle que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur n'ouvre droit pour le salarié qu'à des réparations de nature indemnitaire et que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement.
Elle décide ensuite que le motif de la sanction était tiré de la vie personnelle du salarié, sans toutefois relever de l'intimité de sa vie privée, de sorte que, si le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'était pas atteint de nullité en l'absence de la violation d'une liberté fondamentale.
Cass. Soc. 25/09/2024, n°22-20.672
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La demande de congé parental formulée sans respect du délai de prévenance légal ne peut être refusée
Un salarié a sollicité un congé parental d’éducation cinq jours avant le début de ce congé. L’employeur a refusé ce congé et demandé au salarié de reformuler une nouvelle demande respectant le délai de prévenance d’un mois.
Le salarié a donc décalé son congé parental, tout en saisissant le juge d’une demande de dommages-intérêts pour violation du droit au respect de sa vie privée, exécution déloyale du contrat de travail et préjudice financier subi au cours des mois au cours desquels il a été privé de son congé.
Le salarié a notamment soutenu que l'inobservation des délais légaux pour informer l'employeur qu'il entend bénéficier d'un congé parental d'éducation n'entraine pas l'irrecevabilité de sa demande.
La Cour de cassation lui a donné raison en retenant que l’article L.1225-50 du Code du travail ne sanctionne pas l'inobservation de ces dispositions par une irrecevabilité de la demande.
Il faut donc retenir que l’employeur ne peut pas refuser une demande de congés parental, même formulée hors délai.
Cass. Soc. 18 septembre 2024, n°23-18.021
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La grande ancienneté d’un salarié, couplée à son absence de dossier disciplinaire, ne disqualifie pas nécessairement une unique faute grave.
Un salarié de la CPAM avait méconnu l'obligation de secret professionnel à laquelle il était astreint en transmettant à un tiers, sans raison valable, l'attestation de salaire d'une personnalité publique comportant des données confidentielles, à laquelle il avait eu accès dans le cadre de ses fonctions.
Licencié pour faute grave, il a ensuite contesté son licenciement.
Pour accueillir la demande du salarié, la Cour d’appel a retenu que s’il était incontestable que le salarié avait violé le secret professionnel, le salarié avait une ancienneté de 39 ans au sein de la CPAM et n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire.
La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel et validé le licenciement pour faute grave en rejetant l’argument de la grande ancienneté et de l’absence d’ancienne autre sanction disciplinaire.
Cass. Soc. 11 septembre 2024, n°22-13.532
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De nouveaux avis d’arrêt de travail papier (CERFA) plus sécurisés disponibles à la commande
Le 12 septembre 2024, la CPAM a publié un communiqué afin d’indiquer que depuis le mois de septembre 2024, l’Assurance Maladie diffuse des formulaires Cerfa (AAT) sécurisés.
Ce communiqué précise que l’usage de ces formulaires sera obligatoire à compter du mois de juin 2025 mais que les praticiens sont vivement encouragés à les utiliser dès à présent.
Ce nouveau formulaire a été créé car, dans le cadre d'opérations de lutte contre les fraudes, l’Assurance Maladie a récemment détecté une augmentation des fraudes aux avis d’arrêts de travail.
Communiqué de la CPAM du 12 septembre 2024
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[Interview]
Licenciement et arrêt de travail
Notre associée Anne Leleu-Eté a été interviewée au sujet des possibilités pour un employeur de licencier un salarié pendant un arrêt maladie.
Article à retrouver ici.
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