Publication datée du : 12/06/2024

La News RH #133

La news RH
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#133 — 12 juin 2024

1

Le changement des horaires de travail face aux impératifs familiaux du salarié


Le changement d’horaire de travail est en principe un simple changement des conditions de travail (qui relève donc du pouvoir de direction de l’employeur). Ce principe a cependant une limite : si ce changement porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie personnelle du salarié et notamment en cas d’incompatibilité avec ses obligations familiales impérieuses. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans une récente affaire.

Un salarié avait été licencié pour faute grave en raison de son refus de modification de ses horaires de travail. Le salarié, en horaire de nuit, refusait le passage en horaires de journée, incompatible avec le handicap de son enfant qui nécessitait une veille de jour.

La Cour de cassation fait droit à sa demande. Elle met en exergue la production d’un justificatif de versement de l’allocation éducation de l’enfant, handicapé à 80%, pour laquelle la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) reconnaissait la prise en charge par les parents d’au moins 20% de ses activités. Elle ajoute que l’entreprise ne justifie pas l’impossibilité de fournir un poste de nuit au salarié.

Cass. soc., 29 mai 2024, n°22-21.814

2

Lettre de licenciement : l’action en justice du salarié contre l’employeur ne doit pas être évoquée

 
Une salariée, détachée en Allemagne, s’est vu proposer deux offres de réintégration qu’elle a refusée. La salariée a saisi la justice d’une demande de résolution judiciaire de son contrat de travail. La société l’a licenciée pour faute grave et lui a notamment reproché cette saisine dans la lettre de licenciement.

La cour d’appel a considéré que face au refus des offres de réintégration par la salariée, la société n’avait pas d’autres choix que celui d’engager une procédure de licenciement.

La Cour de cassation censure cette analyse et met en exergue l’analyse partielle de la cour d’appel. Le fait que la lettre de licenciement mentionne une action prud’homale engagée par la salariée rend le licenciement nul car portant atteinte à une liberté fondamentale. Ce lien est naturellement établi lorsque la lettre de licenciement fait expressément référence à la procédure contentieuse. Cette position n’est pas inédite et s’inscrit dans la jurisprudence constante.

Cass. soc., 29 mai 2024, n°22-16.753

3

Reclassement : attention aux demandes générales et abstraites

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré. L’employeur est tenu d’effectuer des recherches sérieuses et actives de postes. Si ces recherches n’ont pas à être assorties d’un profil personnalisé, l’employeur est cependant tenu d’indiquer, dans ses courriers d’interrogation, la nature du contrat de travail, l’intitulé des emplois supprimés, le statut et le coefficient de classification des salariés concernés.

Deux arrêts récents de la Cour de cassation permettent d’illustrer des défaillances de l’employeur à cet égard :

•           l'employeur a adressé par courriels à l'ensemble des sociétés du groupe des demandes générales et abstraites ne comportant aucune indication sur la nature de l'emploi et la classification du poste supprimé ;
•           l'employeur a recherché un reclassement par courriel adressé aux sociétés du groupe, en des termes généraux, sans mentionner la qualification des salariés concernés.

Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-15.565 et Cass. soc. 29 mai 2024 n° 22-15.559

4

La faute de l’employeur peut priver le licenciement économique de cause réelle et sérieuse

Le licenciement économique peut avoir pour origine des difficultés économiques dûment justifiées. Cependant, si l’employeur, par son comportement fautif, est à l’origine de ces difficultés économiques, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans deux affaires jugées très récemment.

Dans la première affaire, si les difficultés économiques invoquées par l'employeur étaient établies, elles étaient cependant consécutives à une cessation partielle de l'activité résultant d'un arrêté municipal ordonnant la fermeture immédiate de la partie camping de l'établissement ;  arrêté municipal qui avait lui-même été délivré en raison de l’installation, sans autorisation, dans une zone interdite. Cette décision d’installation d’infrastructure sans autorisation relevant de la compétence des dirigeants, elle constituait des agissements fautifs imputables à l'employeur qui étaient donc à l’origine des difficultés économiques. Le licenciement était donc infondé.

Dans la seconde affaire, la Cour de cassation a mis en lumière des agissements frauduleux de l'employeur qui ont été jugés comme en partie responsables de la cessation d'activité, si bien que le licenciement en devenait infondé. En l’espèce, les agissements fautifs étaient les suivants : des virements pour un montant significatif au profit de la société ayant racheté leurs parts sociales avant la mise en liquidation et la commercialisation de marchandises appartenant à la société au profit d'autres entités.

Cass. soc., 29 mai 2024 n° 22-10.654 et Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-19.811

5

La dénonciation d’un accord collectif ne peut être implicite

Une association a introduit une assurance « frais de santé » pour ses salariés via un accord collectif d’entreprise, accord collectif qui a ensuite été modifié et complété par d’autres accords collectifs. En dernier lieu, l’association a engagé de nouvelles négociations pour adapter les modalités de l’accord collectif, négociations qui n’ont pas abouti. L’association a donc fait le choix de fixer des nouvelles modalités, unilatéralement, par une décision unilatérale.

S’en est suivi un conflit entre les parties :

  • les syndicats signataires considéraient que les accords collectifs étaient devenus caducs et demandaient que la décision unilatérale soit reconnue nulle ;
  • l’association considérait que les accords collectifs étaient toujours applicables et que la décision unilatérale ne faisait qu’adapter les modalités des accords collectifs.

La Cour de cassation juge que la modification par décision unilatérale de l’employeur du régime de frais de santé, après l’échec des négociations, ne privait pas de cause l’accord collectif instituant ce régime. Elle en déduit que cette décision unilatérale de l’employeur ne rendait pas caduc l’accord collectif relatif au cofinancement par le comité central d'entreprise de ce régime complémentaire, au titre des activités sociales et culturelles.

La Cour de cassation précise bien dans sa décision que « la dénonciation d'un accord collectif ne peut être implicite » et doit suivre une procédure précise.

Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-23.415

6. Respect des horaires de travail : notre interview pour Capital

Notre associée, Anne Leleu-Eté, a été interviewée par Capital pour répondre à la question de savoir si le fait de partir à l'heure du travail était passible d'une sanction disciplinaire.
Bonne lecture. 

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