Publication datée du : 17/04/2024

La News RH #125

La news RH
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#125 — 17 avril 2024

1
Congés payés et arrêt maladie : où en est-on ?

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) avance dans le processus législatif. Il a été adopté par la Commission mixte paritaire le 4 avril 2024 puis définitivement adopté les 9 et 10 avril 2024. Il entrera en vigueur après publication au Journal officiel, sous réserve de l’issue d’une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

L'article 32 bis concerne l'acquisition de congés payés pendant l'arrêt maladie.

La Direction Générale du Travail a également apporté des précisions, lesquelles n'ont toutefois pas de valeur juridique.

Acquisition de congés payés

Le texte définitif assimile à une période de travail effectif, pour la détermination de la durée du congé, les périodes d'arrêt de travail pour AT/MP ou pour maladie "simple" (article L.3141-5 nouveau). La limite d'un an pour les arrêts maladie d'origine professionnelle est supprimée.

Les droits ne sont pas identiques selon l'origine de l'arrêt :

  • la durée du congé acquis au titre d'une période de maladie "simple" sera de deux jours ouvrables par mois, dans une limite de 24 jours ouvrables par an - étant précisé que ce plafond sera calculé en tenant compte des jours acquis sur l'intégralité de la période de référence (article L.3141-5-1 nouveau) ;
  • la durée du congé sera de 2,5 jours ouvrables par mois pour les arrêts d'origine professionnelle (article L.3141-3 et L.3141-5 nouveaux).
Report des congés payés

Le texte instaure un délai de report de 15 mois des congés payés acquis par le salarié mais non pris à l'issue de la période de prise. 

L'effectivité de ce délai sera conditionnée à l'information du salarié à l'issue de sa période d'arrêt de travail. Cette information devra être réalisée par l'employeur dans le mois suivant la reprise, par tout moyen, et devra préciser au salarié (article L.3141-19-3 du code du travail nouveau) :

  • le nombre de jours de congés dont il dispose ;
  • la date à laquelle les congés devront être pris au plus tard.
A noter : cette information pourra se faire notamment au moyen du bulletin de paie.

Pour les salariés en arrêt de travail depuis au moins 1 an à la fin de la période d’acquisition des congés payés, les congés payés acquis au titre de la période d’arrêt de travail seront également reportés pendant 15 mois. Néanmoins, cette période débutera à compter du terme de la période au titre de laquelle les congés ont été acquis. Lorsque le salarié reprendra le travail, si la période de report n'a pas pris fin, elle sera suspendue jusqu'à l'accomplissement par l'employeur des informations visées ci-dessus (article L.3141-19-2 du code du travail nouveau). 

Application rétroactive de la loi pour les salariés toujours en poste lors de l'entrée en vigueur

La loi prévoit une application rétroactive, à compter du 1er décembre 2009 :

  • de la règle d’acquisition de congés payés durant un arrêt maladie "simple", dans la limite de 2 jours ouvrables par mois et 24 jours ouvrables par an ;
  • de la période de report des congés payés de 15 mois, dont les modalités diffèrent selon que l’arrêt de travail excède ou non une durée d’1 an ;
  • de la méthode de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés en cas de maladie "simple".
Le salarié qui souhaite faire appliquer ces dispositions pourra donc remonter jusqu’au 1er décembre 2009, étant entendu qu’il disposera d’un délai 2 ans pour agir en justice à partir de l’entrée en vigueur de la loi.

Règles de prescription pour les salariés qui ne sont plus en poste lors de l’entrée en vigueur

La loi ne prévoit pas de disposition spécifique pour les salariés qui ne sont plus à l’effectif de l’entreprise au moment de son entrée en vigueur. Le gouvernement, qui s’appuie sur l’avis du Conseil d’État, estime qu’il conviendra d’appliquer la prescription triennale de droit commun (applicable en matière de rappel de salaires). Dans ces conditions, seuls les salariés dont le contrat a été rompu depuis moins de trois ans pourront engager des instances prud'homales.

2
Prise en charge des frais liés au télétravail : un débat de cours d'appel

Pour rappel, depuis le 24 septembre 2017, le Code du travail ne prévoit plus de règle expresse imposant à l’employeur de prendre en charge des coûts liés au télétravail. Pour autant, cette obligation résulte de l’ANI du 19 juillet 2005 relatif au télétravail régulier et de l’ANI du 26 novembre 2020 relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail.

La jurisprudence prévoit également que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.

La question n'est toutefois pas encore tranchée sur le plan judiciaire, et un débat fait rage entre les Cours d'appel de Paris et de Versailles, lesquelles ont rendu récemment des décisions que l'on peut qualifier de contradictoires en la matière.

  • La Cour d’appel de Paris a en effet rejeté la demande d’une salariée qui réclamait la condamnation de son employeur au versement de dommages et intérêts pour absence de prise en charge des frais liés à son télétravail. Elle relève pour cela qu'aucun accord n’avait été formalisé entre l’employeur et la salariée sur cette question, et que le télétravail était volontaire et non imposé à la salariée. 

A noter que dans cette affaire, la Cour d’appel relevait toutefois que la salariée ne justifiait ni du principe ni du montant de son prétendu préjudice.

CA Paris, 3 avril 2024, RG n° 21/07292

  • Quelques jours plus tôt, la Cour d’appel de Versailles avait condamné un employeur à la prise en charge des frais de son salarié pendant une période de télétravail de presque 6 mois, pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.

Pour la Cour d'appel de Versailles, il ne serait pas nécessaire qu’un accord ou une charte prévoie le versement d'une indemnité de télétravail.

CA Versailles 21 mars 2024, RG n° 22/01810

Une décision de la Cour de cassation sur cette question serait la bienvenue pour permettre aux employeurs de sécuriser leurs pratiques. 

3
Droit de retrait : la simple croyance du danger suffit

Un salarié, embauché en qualité de steward, avait fait valoir, lors du briefing d'un vol à destination d'Israël (au moment où le conflit armé avait repris), qu'il exerçait son droit de retrait. Son employeur avait considéré que ce droit de retrait n'était pas fondé et avait pratiqué une retenue sur salaire.

Ayant engagé une instance prud'homale, la cour d'appel avait débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire. Pour les juges, au regard de l'ensemble des précautions prises par l'employeur à partir des informations précises, complètes et actualisées concernant la sécurité des dessertes aériennes, le salarié ne pouvait pas légitimement se prévaloir d'une situation présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé.

Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui rappelle qu'aucune retenue de salaire ne peut être réalisée à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.

Les juges auraient dû rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser, à la date du 19 juillet 2014, que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, indépendamment de l'existence d'un tel danger, justifiant l'exercice du droit de retrait.

Cass. soc. 27 mars 2024, n° 22-20.649

4
Prime exceptionnelle et grève : pas de discrimination en cas de refus

Pendant trois mois, des salariés d'un magasin alimentaire avaient fait grève. Pour récompenser les autres salariés, lors d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise (institution en vigueur à date), l'employeur a annoncé le versement d'une prime exceptionnelle à certains salariés non grévistes, attribuée « selon une surcharge exceptionnelle de tâches confiées à certains collaborateurs. Cette prime n'est pas liée à un résultat 2018 mais à des efforts supplémentaires durant les quatre derniers mois fournis par certains collaborateurs en dehors de leurs tâches habituelles. ».

S'estimant victimes de discrimination dans l'exercice de leur activité syndicale et de leur droit de grève, les salariés et le syndicat ont assigné la société devant le conseil de prud'hommes pour obtenir, notamment, le paiement des sommes à titre de rappel de salaire correspondant à cette prime exceptionnelle.

Pour la Cour de cassation, et contrairement à ce qu'avait jugé la cour d'appel, ne constitue pas une mesure discriminatoire l'attribution à certains salariés non grévistes d'une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail.

En effet, les salariés non-grévistes, ayant accepté une modification temporaire de leur contrat de travail, en raison de l'exécution par eux de tâches ne relevant pas de leurs fonctions, pouvaient se voir attribuer cette prime exceptionnelle.

L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel qui devra de nouveau statuer. Il n'en reste pas moins que l'exercice semble périlleux tant il est d'usage pour la jurisprudence de protéger les droits et libertés fondamentales des salariés (dont le droit de grève fait partie).

Cass. soc., 3 avril 2024, n° 22-23.321

5

Travail dominical pendant les Jeux Olympiques

Un dispositif spécifique et temporaire (du 15 juin 2024 au 30 septembre 2024) permettant aux commerces situés dans les lieux de compétition et à proximité d’ouvrir le dimanche sur autorisation du préfectorale a été mis en place par la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Ainsi, les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens ou des services situés dans les communes d'implantation des sites de compétition, ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites pourront donner un repos hebdomadaire à leurs salariés un autre jour que le dimanche.

Il est rappelé par les autorités que le travail le dimanche doit s’effectuer sur la base du volontariat du salarié, qui devra donner son accord par écrit à l’employeur, et faire l'objet de contreparties.

Un décret du 12 avril 2024 précise qu’en cas de non-respect de l’une de ces deux règles, l'employeur prend le risque d'être sanctionné par une amende de 5° classe infligée autant de fois qu'il y a de salariés illégalement employés.

6.
Interview d'Anne Leleu-Eté par Capital 

Notre Associée Anne Leleu-Eté a été interviewée le 12 avril 2024 par le magazine Capital, relativement à l'affaire "Geox" et au port de signes religieux dans l'entreprise. 

Retrouvez l'article ICI.

Bonne lecture !
 

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