Publication datée du : 12/03/2024

La News RH #120

La news RH
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#120 — 12 mars 2024

1
Le contenu des messages privés envoyés avec la messagerie professionnelle relève de la vie privée et ne peut donc pas constituer une faute justifiant un licenciement

En l’espèce, une salariée de la CPAM avait été licenciée pour faute grave, constituée d’après l’employeur par le fait d’avoir envoyé des messages à "caractère manifestement raciste et xénophobe" destinés à au moins deux autres salariés de la CPAM, et ce depuis sa messagerie professionnelle. Alors que la salariée invoquait le droit à la vie privée comme moyen de défense, la CPAM faisait valoir le devoir de neutralité de la salariée et l’atteinte à l’image de la CPAM.

Pour invalider le licenciement qui avait été opéré en l’espèce, la Cour de cassation commence par rappeler que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Elle en tire comme conséquence qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
 
Sur la base de ces principes, elle rejoint le raisonnement adopté par la Cour d’appel qui avait invalidé le licenciement et qui est le suivant :
 
En premier lieu, elle relève que la cour d'appel a d'abord constaté que les messages litigieux s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, qui n'avaient pas vocation à devenir publics et n'avaient été connus par l'employeur que suite à une erreur d'envoi de l'un des destinataires.
 
En deuxième lieu, elle retient que la Cour d’appel a relevé que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues et que l'employeur ne versait aucun élément tendant à prouver que les écrits de l'intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l'extérieur de la CPAM et que son image aurait été atteinte, de sorte que le moyen tiré du principe de neutralité découlant du principe de laïcité applicable aux agents qui participent à une mission de service public était inopérant.
 
En dernier lieu, elle retient que la Cour d’appel a retenu que, si l'article 26 du règlement intérieur interdisait aux salariés d'utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l'informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu'il n'en abusait pas et, qu'en l'espèce, l'envoi de neuf messages privés en l'espace de onze mois ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu.
 
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a exactement déduit de tout ce qui précède que l'employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle.

(Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016)

2
En cas de révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à l'entretien préalable à un licenciement disciplinaire, c'est à compter de la date du nouvel entretien que court le délai de notification

Pour rappel, le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable. L'expiration de ce délai interdit à l'employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits.

En l’espèce, un salarié est convoqué à un premier entretien préalable. Plus d’un mois après la date de ce premier entretien préalable, le salarié est convoqué à un second entretien préalable car, dans l'intervalle, de nouveaux faits fautifs (des fausses facturations) avaient été portés à la connaissance de l’employeur.
 
La Cour de cassation profite de cette affaire pour indiquer que lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un premier entretien préalable, l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un second entretien préalable, c'est à compter de la date de ce second entretien que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.
 
Cependant, en l’espèce, elle ne valide pas le licenciement car l’employeur ne s’est pas limité à licencier le salarié pour les faits reprochés lors du second entretien préalable. En effet, en l’espèce, l'employeur reprochait à la salariée, aux termes de la lettre de licenciement, non seulement les faits nouveaux portés à sa connaissance (ce qui était valable) mais également son attitude de dénigrement, irrespectueuse et agressive à l'égard de ses collègues, visée par la première procédure de licenciement disciplinaire engagée largement avant le délai d’un mois à compter de la date du second entretien (ce qui n’était pas possible).

(Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-19.351)
 

3
La part variable calculée en fonction d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur en cours d’exercice doit être versée intégralement au salarié

Pour rappel, les objectifs desquels dépendent le paiement et le montant de la rémunération variable d’un salarié peuvent être fixés d’un commun accord entre les parties ou unilatéralement par l’employeur.

Selon la méthode de fixation, les règles diffèrent.

En l’espèce, un salarié était éligible à une rémunération variable en fonction d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur. Il soutenait qu'aucun objectif précis ne lui avait été communiqué lors de son entrée dans l'entreprise, malgré la relance effectuée auprès de son employeur, et affirmait avoir rempli ses objectifs qualitatifs, en considérant que les objectifs financiers ne pouvaient pas être pris en compte.

Dans un arrêt du 31 janvier 2024, la Cour de cassation rappelle la règle bien connue désormais en cas d’objectifs fixés unilatéralement par l’entreprise : « lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. A défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payé intégralement comme s'il avait réalisé ses objectifs ».

C’est sur la base de cette règle qu’elle casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait rejeté la demande du salarié alors qu’elle n’avait pas constaté que les objectifs avaient été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

(Cass. soc. 31-1-2024 n°22-22.709)

4
Temps partiel : la mention de la répartition des heures de travail est indispensable pour éviter la requalification en temps complet

Pour rappel, pour empêcher la requalification d’un contrat de travail à temps partiel, dont les mentions obligatoires sont absentes ou imprécises, en contrat de travail à temps complet, l’employeur doit pouvoir démontrer que  :

  •  le salarié est en mesure de prévoir à quel rythme il travaille et ne se trouve pas en permanence à sa disposition ;
  • une durée exacte de travail du salarié est convenue.

En l’espèce, après bénéficié d’une rupture conventionnelle, la salariée faisait valoir l’absence de toute mention contractuelle concernant la répartition journalière ou hebdomadaire des horaires de travail et les modalités de communication écrite de ses horaires pour chaque journée travaillée pour réclamer la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
 
Selon la Cour d’appel, la salariée bénéficiait bien d’une présomption de contrat de travail à temps complet car le contrat de travail et l'avenant ne mentionnaient pas la répartition des horaires de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée étaient communiqués par écrit à la salariée.
 
Cependant, la Cour d'appel a considéré que l’employeur était en mesure de renverser cette présomption grâce à la production de plusieurs éléments de preuves (notamment des plannings, des bulletins de paie avec paiement d’heures complémentaires, des attestations, la multiplicité des employeurs de la salariée).
 
La Cour de cassation censure la Cour d'appel en considérant que l’employeur ne démontrait pas la durée exacte de travail de la Salariée.
 
La Cour d’appel de renvoi devra donc étudier à nouveau cette affaire pour trancher.

(Cass. soc. 28 février 2024, n° 22-24.497)

5

Nuire à la santé de ses collègues ou subordonnés permet de caractériser une faute grave

 

Dans une première affaire, une salariée a été licenciée pour faute grave à cause de son comportement néfaste avec ses collègues. Il lui était notamment reproché d’avoir adopté un comportement se manifestant par des critiques, des moqueries, de la violence verbale et physique, une déstabilisation dans les relations professionnelles et une forme de manipulation allant au-delà de simples plaisanteries entre collègues, ainsi qu’ une ambivalence qui était source de souffrance au travail pour les autres salariés.
 
Pour la Cour de cassation, nonobstant l'ancienneté et l'absence d'antécédents disciplinaires de la salariée, ce comportement inadapté et harcelant caractérisait une faute grave.

(Cass. soc. 14-2-2024 n°22-23.620)

Dans une seconde affaire, une salariée a été licenciée pour faute grave caractérisé par un harcèlement moral selon l’employeur.
 

La Cour d’appel a considéré que le harcèlement moral ne pouvait pas être retenu et que le licenciement n’était donc pas justifié, notamment car l’employeur n’avait pas diligenté d’enquête à la suite des plaintes des autres salariés et parce que la seule dénonciation d'un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles ou heurtées, ne peut valoir qualification de harcèlement moral.
 
La Cour de cassation censure cette décision en indiquant que la pratique par la salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés peut caractériser une faute grave justifiant un licenciement.

(Cass. soc. 14-2-2024 n°22-14.385)

6.
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