Publication datée du : 07/03/2024

La News RH #119

La news RH
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#119 — 7 mars 2024

1
Une vidéosurveillance illicite peut constituer une preuve recevable

La série des décisions relatives au droit à la preuve et à l'analyse de la recevabilité des preuves illicites ou obtenues de manière déloyale continue !

Dans cette affaire, la salariée d'une pharmacie avait été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant des écarts entre les produits saisis en caisse et ceux réellement vendus, dans un contexte de disparition de stocks. 

Devant les juges, la salariée contestait le mode de preuve utilisé par l’employeur pour justifier du bien-fondé du licenciement, à savoir, un extrait de vidéosurveillance.

Selon elle :

  • Le mode de preuve était illicite dans la mesure où le dispositif de vidéosurveillance n’avait pas fait l’objet des formalités d’information et de déclaration obligatoires ;
  • L’employeur aurait pu atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de sa vie personnelle.

La Cour de cassation écarte ces arguments. Elle rappelle que le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve porte une atteinte disproportionnée au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.

En particulier, la Haute Cour a considéré que la cour d'appel, qui avait retenu la pièce, avait bien mis en balance le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l'entreprise, soulignant que l'employeur était titulaire du droit de veiller à la protection de ses biens.

A noter que le contrôle vidéo qui avait été réalisé par l'entreprise avait été documenté, réalisé sur une période relativement courte (17 jours) et uniquement par la dirigeante, et avait été justifié par le contexte de disparition des stocks, après de premières recherches infructueuses. 

Dans une telle situation, la proportionnalité de la mesure et la justification du motif légitime sont deux éléments essentiels qu'il convient de ne pas négliger.

Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-23.073

2
Indemnisation en cas d'utilisation sans autorisation de la photographie des salariés

Un salarié sollicitait des dommages et intérêts en raison de l'utilisation par son employeur, sans son accord, de son image et de son nom de famille dans le cadre de deux campagnes publicitaires, ce qui constituait, selon lui, une atteinte au droit à l’image.

L'employeur se justifiait par le fait que le document en question n'avait pas été édité à vocation publicitaire mais constituait simplement une plaquette à destination des clients, outre que le salarié ne produisait pas le document critiqué.

Ces deux arguments ne sont pas retenus par la Cour de cassation, laquelle tranche en constatant que l'employeur ne contestait pas avoir utilisé l'image du salarié sans son accord, et en indiquant que la seule constatation de l'atteinte au droit à l'image ouvre droit à réparation, sans avoir besoin de démontrer l’existence d’un préjudice distinct.

Une clause contractuelle ou un document signé par le salarié autorisant l'utilisation des photographies doivent donc être anticipés en amont de la prise de vue !

Cass. soc., 14 février 2024 n°22-18.014
 

3
Les temps de pause doivent être respectés, à défaut, ils peuvent constituer du temps de travail effectif

Une salariée, esthéticienne, sollicitait la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre d'heures supplémentaires réalisées pendant sa pause déjeuner, au motif qu'elle devait continuer d'accueillir les clientes au téléphone et physiquement.

Pour la cour d’appel, la salariée ne produisait aucun décompte détaillé des heures dont elle sollicitait le paiement, les deux courriels produits par la salariée, sur lesquels elle s'appuyait pour justifier ses allégations, n'ayant pas suffi à convaincre les juges.

L’employeur produisait, quant à lui, un constat d'huissier dont il ressortait que, durant sept mois de travail, la salariée n’avait à aucun moment commencé avant 10h00 ou terminé après 19h30.

La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que les juges d'appel auraient dû rechercher si la salariée se trouvait à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives pendant ses temps de pause sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Autrement dit, ils auraient dû vérifier si les critères permettant de caractériser le temps de travail effectif étaient remplis, ou non. L'affaire devra être rejugée.

Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-22308

4
La preuve du temps de travail du salarié par l'employeur est possible sans logiciel de suivi des temps !

Une salariée avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail compte tenu du non-paiement d’heures supplémentaires.

Déboutée en appel, elle avait formé un pourvoi en cassation au motif que les éléments produits par l’employeur ne respectaient pas les conditions posées par le Code du travail. Elle estimait en effet que l'employeur avait l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer son temps de travail journalier, ce qu'il n'avait pas fait, et que le juge ne pouvait prendre en considération, dans son analyse de l'affaire, que des pièces provenant d'un tel logiciel.

En effet, l’employeur avait produit un "simple" cahier de relevés d’heures de travail rempli à la main, des attestations, ainsi qu'une sanction notifiée à la salariée pour manquement à la durée du travail hebdomadaire.

La Cour de cassation ne valide pas la position de la salariée. Elle répond très clairement que « l’absence de mise en place par l’employeur d’un […] système [objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail] ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies ».

Une décision qui permet d'assurer un équilibre précaire en matière de charge de la preuve, dans ces contentieux relatifs à la durée du travail...

Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-15.842

5

Un entretien annuel d’évaluation peut constituer l'entretien imposé par une convention collective en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle

Les faits concernaient la convention collective des sociétés d'assistance laquelle impose, à son article 31, la tenue d'un entretien spécifique en cas d’insuffisance professionnelle du salarié, afin de l'informer des difficultés relevées, de recueillir ses explications et de convenir des solutions destinées à remédier à cette insuffisance.

Une salariée, justement licenciée pour insuffisance professionnelle, se prévalait, dans son argumentaire, de l’absence de tenue de cet entretien spécifique pour solliciter la requalification de son licenciement en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

La salariée avait en revanche bénéficié d’un entretien d’évaluation quelques mois avant son licenciement, au cours duquel sa responsable hiérarchique lui avait fait part de son insuffisance professionnelle (dont l'employeur justifiait par la production d'un compte-rendu).

La Cour de cassation, au même titre que les juges du fond, considère que cet entretien d'évaluation respectait bien les exigences conventionnelles précitées, du fait de son contenu, de sorte que la salariée devait bien être déboutée de sa demande à ce titre.

Cass. Soc. 14 février 2024 n° 22-20430

Actualité du Cabinet : Interview 

Retrouvez l'interview de Maître Anne Leleu-Eté dans le journal Capital concernant la rupture conventionnelle.

Trop négocier votre indemnité peut-il vous coûter cher ? C'est sur ce thème qu'elle a été interrogée par Charlotte Rousset, journaliste.

Bonne lecture !

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