Publication datée du : 08/01/2024

La News RH #112

La news RH
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#112 — 8 janvier 2024

1

Une preuve obtenue de manière déloyale n'est plus nécessairement irrecevable devant le juge civil

Dans deux décisions rendues le 22 décembre 2023, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation s'est positionnée quant à la recevabilité des preuves obtenues de façon déloyale.

Par ces deux décisions, elle abandonne sa jurisprudence constante depuis 2011 selon laquelle une preuve obtenue de manière déloyale, grâce à un stratagème ou une manœuvre notamment, doit être déclarée irrecevable par le juge civil.

Dans la première affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave. Afin de démontrer le bien-fondé du licenciement, l’employeur produisait des enregistrements clandestins d’un entretien au cours duquel le salarié avait tenu des propos injurieux.

La cour d'appel avait écarté des débats les enregistrements ainsi obtenus et avait jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. L'employeur, quant à lui, considérait que ces derniers étaient recevables dès lors qu'ils ne portaient pas atteinte aux droits du salarié, qu'ils étaient indispensables au droit à la preuve et à la protection de ses intérêts et qu'ils avaient été transmis dans le cadre d'un procès équitable.

Saisie, la Cour de cassation juge qu'en application de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les juges doivent procéder à un contrôle de proportionnalité entre les droits en présence.

Elle pose un fondement de portée générale : "Il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi."  

La Cour de cassation renvoie l'affaire à une autre cour d'appel.

Dans la seconde affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave pour avoir sous-entendu que la promotion dont avait bénéficié son remplaçant était liée à son orientation sexuelle et à celle de leur supérieur hiérarchique. Ces propos avaient notamment été démontrés par un extrait de conversation Facebook, relevée sur l'ordinateur professionnel du salarié en cause.

La cour d'appel juge que la conversation Facebook doit être écartée des débats et que le licenciement, en l'absence d'autre preuve de la faute, est sans cause réelle et sérieuse. 

Saisie de cette affaire, la Cour de cassation rappelle que le licenciement disciplinaire n'est possible, pour un motif en lien avec la vie personnelle du salarié, que si celui-ci constitue un manquement à ses obligations professionnelles. S’agissant d’une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique, elle ne pouvait pas constituer un manquement du salarié aux obligations contractuelles découlant du contrat de travail, de sorte que le licenciement n’était pas justifié quelle que soit la valeur de la preuve soumise par l'employeur. 

Si la seconde affaire ne statue pas sur la recevabilité en tant que telle de la preuve apportée par l'employeur, la première affaire constitue, à n'en pas douter, un tournant en matière de contentieux social.

Cass. Plén., 22 décembre 2023, n°20-20.648
Cass. Plén., 22 décembre 2023, n°21-11.330

2

Formalités requises avant la mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance destiné à contrôler l'activité des salariés

Un employeur avait licencié un salarié pour faute grave pour avoir volé du gasoil au sein de l'entreprise. Le salarié contestait son licenciement et notamment la recevabilité des extraits vidéo produits par l'employeur pour justifier la faute de ce dernier.

En l’espèce, les juges du fond avaient constaté que, si le système de vidéosurveillance installé dans le hangar de l’entreprise était destiné à la protection des biens et l’identification des auteurs de vols et dégradations, il permettait également de contrôler l’activité des salariés pénétrant dans cette zone pendant l’exécution de leur travail.

A défaut d’information préalable des salariés et d'une consultation du CSE, les juges précisent que la preuve était ainsi irrecevable, ce qui rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'autre preuve apportée par l'employeur.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs que, si dorénavant le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments obtenus de façon déloyale à condition qu’ils soient indispensables à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but recherché, c’est à la partie qui produit la preuve illicite de demander au juge de procéder à ce contrôle, ce qui n’était pas le cas dans cette affaire. 
La solution aurait peut-être été différente dans une autre configuration.

Cass. Soc., 6 décembre 2023, n°22-16.455

3

La connaissance de plusieurs fautes au jour du prononcé d'une sanction disciplinaire ne permet de sanctionner qu'une seule fois

Le Conseil d’Etat rappelle ici que l’employeur qui a connaissance de divers faits commis par un salarié, non atteints par la prescription et considérés par lui comme fautifs, et qui choisit de n’en sanctionner qu’une partie, ne peut légalement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire en vue de sanctionner les autres faits dont il avait connaissance lors de la première sanction.

L’administration ne peut pas non plus se fonder sur des agissements fautifs qui étaient déjà connus de l’employeur à la date à laquelle il avait prononcé une sanction disciplinaire pour autoriser le licenciement.   

Conseil d'Etat, 8 décembre 2023, n°466620

4

Alcool sur le lieu de travail : le refus de l'employeur de procéder à une contre-expertise tardive ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse

Un salarié avait été licencié [révoqué dès lors qu'il s'agit de la RATP] à la suite d’un contrôle d’alcoolémie positif effectué par son employeur avant sa prise de poste. Il contestait son licenciement au motif que l’employeur avait refusé de procéder à la contre-expertise qu’il avait demandée en application du règlement intérieur de l’entreprise, de sorte que le contrôle effectué lui était, selon lui, inopposable.

La Cour de cassation approuve toutefois la décision des juges du fond qui avaient constaté que l’employeur avait opposé son refus de faire procéder à un examen sanguin à titre de contre-expertise lors de l’entretien disciplinaire du salarié, soit 12 jours plus tard. En effet, le salarié ne justifiait pas avoir sollicité un tel examen dans les suites immédiates du contrôle pour valablement remettre en cause les résultats.

Ainsi, aucune conséquence ne pouvait être tirée du refus de l’employeur. 

Cass. Soc., 6 décembre 2023, n°22-13.460

5

Le projet de loi "immigration" définitivement adopté

Le projet de loi pour "contrôler l'immigration et améliorer l'intégration" a été définitivement adopté le 19 décembre 2023.

Ce projet de loi prévoit diverses mesures parmi lesquelles : 

  • La création, à titre expérimental, d’un titre de séjour temporaire d’un an permettant de régulariser les salariés sans-papiers travaillant dans des métiers en tension (sous certaines conditions : justifier avoir travaillé 12 mois au cours des derniers 24 mois ; résider depuis 3 ans en France et justifier de son intégration) ;
  • Un renforcement des sanctions pour tout employeur qui embauche, directement ou par personne interposée, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Ce dernier pourra être condamné à une amende administrative pouvant atteindre jusqu’à 5.000 fois le taux horaire du salaire minimum ;
  • La possibilité pour l’employeur de proposer aux salariés allophones des formations leur permettant d’atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret ;
  • La transformation du « passeport talent » en « titre de séjour talent » avec de nouvelles conditions d’obtention.

Bonne année 2024 ! 

Toute l'équipe Axel Avocats vous souhaite une très belle année 2024 et vous remercie de votre fidélité. 

Nous aurons le plaisir de vous retrouver cette année avec une équipe élargie, composée de 7 avocats et juristes dédiés au droit du travail.

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