Publication datée du : 12/05/2023

La news RH #80

La news RH
#80 — 12 mai 2023

1

Preuve de la faute d'un salarié : le témoignage anonyme est recevable

Dans cette affaire, un agent de fabrication avait été sanctionné par une mise à pied disciplinaire. Son employeur produisait l’attestation anonyme d’un autre salarié ainsi que le compte-rendu de son entretien avec un membre de l'équipe RH. 

La question se posait de savoir si un employeur pouvait se fonder sur des témoignages anonymes pour sanctionner un salarié.

Les juges du fond avaient refusé de recevoir ces éléments de preuve considérant qu'ils n'avaient pas de valeur probante dès lors que le salarié ne pouvait pas se défendre (en contradiction donc avec le respect du principe du contradictoire).

La Cour de cassation casse cette décision. Elle rappelle tout d’abord le droit à un procès équitable et le principe de la liberté de la preuve en matière prud’homale. Elle rappelle aussi que le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes.

Pour autant, elle précise que le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés de salariés, c'est-à-dire un témoignage rendu anonyme a posteriori afin de protéger son auteur mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur, si ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.

L’affaire sera de nouveau jugée par une autre cour d’appel.

Cass. soc. 19 avril 2023, n° 21-20.308

2

Licenciement pour un fait tiré de la vie personnelle en cas de retour difficile d'un salarié incarcéré

En principe, le licenciement d’un salarié ne peut pas intervenir pour un fait tiré de la vie personnelle. Par exception, un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement :

  • lorsque le comportement de celui-ci révèle un manquement à une obligation de son contrat de travail (ex : obligation de loyauté ou de sécurité) ;
  • lorsque le comportement de celui-ci crée un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié avait été incarcéré, de 2013 à 2016, pour des faits d’agressions sexuelles sur mineurs survenus à l’occasion d’une activité extra-professionnelle. A son retour, il avait été licencié en raison d'un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise, ce qu'il contestait.

Les juges d’appel rejettent la demande du salarié en considérant que les faits à l’origine de son incarcération avaient suscité un émoi durable et légitime à l’échelle de la ville entière et que son retour avait engendré des difficultés dans l'entreprise (une quarantaine de salariés avaient exprimé le souhait de ne plus travailler avec lui).

Malgré le pourvoi formé par le salarié, la Cour de cassation confirme la solution rendue par la cour d’appel dès lors que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise.

Cass. soc. 13 avril 2023, n° 22-10.476

3

Le dépassement de la durée maximale de travail n'est pas une cause de licenciement

Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave pour avoir cumulé plusieurs emplois. 

Les juges d'appel avaient validé le licenciement dès lors que le cumul d’emplois, non porté à la connaissance de l’employeur, avait amené le salarié à méconnaître :

  • les règles relatives aux durées maximales de travail ;
  • son obligation de sécurité, faisant ainsi courir un risque aux autres salariés.

Pour la Cour de cassation, le salarié commet une faute de nature à justifier son licenciement uniquement s’il refuse de régulariser sa situation ou s’il refuse de transmettre à son employeur les documents lui permettant d’apprécier le respect des durées maximales de travail. 

Le seul dépassement de l’une de ces durées ne constitue pas, en soi, une cause de licenciement.

En l'espèce, la Cour retient que le salarié avait transmis à l’employeur les documents lui permettant de vérifier le respect des durées maximales de travail et la situation irrégulière avait disparu à la date du licenciement. En conséquence, l’employeur ne pouvait valablement procéder à son licenciement.

Cass. soc. 19 avril 2023, n° 21-24.238

4

Respecter la mixité des candidatures lors des élections professionnelles

Pour mémoire, les listes de candidats lors des élections professionnelles doivent, lorsqu'elles comportent plusieurs candidats, être composées d'un nombre d'hommes et de femmes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale.

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, le collège "employés" comportait 64,63 % de femmes et 35,37 % d’hommes et, selon le protocole d'accord préélectoral, 12 sièges étaient à pourvoir.

Or, une liste syndicale avait présenté une seule candidate au poste de titulaire et de suppléante au premier tour, puis au second où elle avait été élue titulaire au CSE.

Pour la Cour de cassation, les organisations syndicales auraient dû présenter :

  • soit une liste conforme de 8 femmes et 4 hommes ;
  • soit, en cas de liste incomplète, une liste comportant au moins 1 femme et 1 homme.
Elle rappelle qu'il n’est pas possible de priver un sexe de toute représentation aux élections, sauf si un sexe est ultra minoritaire dans le collège, c’est-à-dire lorsqu’il représente moins de 0,5 % du collège.

L'élection de la candidate a donc été annulée sans renvoi.

Cass. soc. 19 avril 2023, n° 22-17.922

5

A venir : extension de la protection contre le licenciement à de nouveaux bénéficiaires

Une proposition de loi "visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche" a été adoptée par le Sénat le 4 mai 2023, qui prévoit les deux mesures suivantes :

1/ La suppression du délai de carence en cas d’arrêt de travail lié à une interruption involontaire de grossesse.
 
2/ Une protection contre le licenciement pour les femmes confrontées à une fausse couche.

Cette deuxième mesure consiste en l'interdiction pour un employeur de "rompre le contrat de travail d’une salariée pendant les 10 semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluses", sauf faute grave.

Processus législatif à suivre dans les prochains jours.

A lire : "l’employeur confronté au droit d’alerte économique du CSE a-t-il des moyens d’action ?"


 

Retrouvez ici l'article rédigé par notre Cabinet pour le Journal du Management Juridique » (mai-juin 2023). 
 
Dans la palette d’attributions qu’il détient, le comité social et économique (CSE) peut déclencher une « alerte économique » lorsqu’il a connaissance de faits pouvant affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Quels sont les droits et obligations des différents acteurs que sont l’employeur et le CSE ?  L’employeur a-t-il véritablement des moyens d’actions ?
 
Dans cet article, nous décryptons le droit d’alerte économique et répondons à ces questions.

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