En 2016, un syndicat avait appelé à un mouvement de grève au sein d'une entreprise, dans le but de contester la loi Travail.
L'employeur avait rédigé un courrier en réponse intitulé "Lettre Ouverte", sur papier à en-tête de l'entreprise et signé par des membres du CoDir, expédié au secrétaire général du syndicat puis publiée sur le site intranet de l'entreprise.
Ce courrier exprimait, en synthèse, le désaccord de la direction avec le mouvement de grève qu'elle estimait déconnecté du mouvement national contre la loi Travail et sans lien avec celui-ci, rappelait l'impact qu'aurait un mouvement de grève sur la production / le niveau de vente de l'entreprise et indiquait que la direction espérait que cette situation ne se reproduirait pas.
Le syndicat a saisi le Tribunal Judiciaire de Chambéry aux fins de voir reconnaître la responsabilité délictuelle de l'employeur (et des signataires du courrier en question), et de se voir allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice né de leur tentative d'entrave au droit syndical et au droit de grève.
Dans sa décision, le Tribunal relève que la diffusion large du courrier, outre certains termes utilisés dans son contenu, démontraient la volonté de l'entreprise de discréditer l'organisation syndicale auprès des salariés, ainsi que la volonté de dissuader les salariés de participer à de futurs mouvements sociaux.
Le Tribunal rappelle que la liberté syndicale empêche l'employeur de donner une opinion subjective sur "l'utilité de l'organisation syndicale et de son action au sein de l'entreprise", et que le droit de grève est une liberté fondamentale protégée par la Constitution.
Il précise que chaque salarié doit avoir le droit de recourir à l'exercice du droit de grève en fonction de ses convictions personnelles et de sa propre conscience, sans subir de pression individuelle ou professionnelle.
Le Tribunal Judiciaire, s'il exonère les deux signataires du courrier de toute responsabilité dès lors qu'ils ont agi dans l'intérêt et pour le compte de l'entreprise, déclare en revanche cette dernière fautive et entièrement responsable du préjudice subi par le syndicat.
La somme allouée à titre de dommages et intérêts sera in fine limitée puisqu'elle s'élève à 2.500 euros (+2.500 euros au titre de l'article 700) mais, sur le principe, il s'agit d'une décision plutôt intéressante qui rappelle la nécessité d'être le plus vigilant possible dans les échanges liés aux situations de grève, notamment.
23 février 2023, Tribunal Judiciaire de Chambéry n°20/01786