AvoSial (*) publie des chroniques pour actuEL-RH. Dans cette chronique, Anne Leleu-Eté, avocate associée au sein du cabinet Axel Avocats, revient sur les autres mesures RH contenues dans la loi sur le pouvoir d'achat et la loi de finances rectificative pour 2022 : monétisation des RTT, défiscalisation des heures supplémentaires, titres-restaurant, frais de transport, salariés vulnérables.

Chronique publiée dans l’actualité actuEL RH à lire en cliquant sur le lien ci-après : https://www.actuel-rh.fr/content/paquet-pouvoir-dachat-transport-titres-restaurant-heures-supplementaires-les-autres-mesures ou bien à lire ci-après.

« Paquet pouvoir d’achat » : transport, titres-restaurant, heures supplémentaires… les autres mesures intéressant les employeurs

Notre série d’articles dédiée au « paquet pouvoir d’achat » s’achève avec ce troisième volet relatif aux « autres mesures » intéressant les employeurs, prévues par la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat [1] et par la loi de finances rectificative (LFR) pour 2022[2], toutes deux du 16 août 2022 et publiées au journal officiel du 17 août 2022.

Pour rappel, ces deux textes, validés pour l’essentiel de leurs dispositions le 12 août dernier par le Conseil constitutionnel, ont été élaborés cet été par le gouvernement et sont destinés à limiter les effets de l'inflation sur le niveau de vie des Français.

En plus des mesures phares concernant la prime de partage de la valeur (la « PPV » – voir notre article précédent sur le sujet) et favorisant l’épargne salariale (voir notre article précédent sur le sujet), ces deux textes contiennent de multiples dispositions, sur des sujets parfois communs, que les employeurs et services RH doivent impérativement connaître.

Nous en faisons la synthèse.

Défiscalisation et réduction de cotisations sociales des heures supplémentaires

Les deux textes contiennent des dispositions relatives aux heures supplémentaires.

En application de l’article 81 quater du Code général des impôts, les heures supplémentaires[3] bénéficient d’un régime de défiscalisation (c’est-à-dire d’exonération d’impôt sur le revenu) dans la limite d’un certain plafond. Depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif, le plafond de défiscalisation était fixé à 5.000 euros nets par an.

Ce plafond est porté, par l’article 4 de la Loi de finances rectificative pour 2022, à 7.500 euros nets par an pour les heures réalisées par les salariés à compter du 1er janvier 2022. A noter que cette mesure, contrairement à ce qui était prévu initialement, ne sera pas limitée dans le temps.

La Loi pouvoir d'achat contient également des dispositions relatives aux heures supplémentaires et plus particulièrement à la déduction forfaitaire de cotisations patronales au titre des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail[4]. Actuellement, le montant de la déduction est fixé à 1,50 euro par heure supplémentaire et ne concerne que les entreprises de moins de 20 salariés, conformément aux dispositions de l'article D.241-24 du Code de la sécurité sociale.

Avec la Loi pouvoir d’achat :

Création d'un dispositif de monétisation des jours de RTT

L’article 5 de la Loi de finances rectificative pour 2022 instaure un dispositif de monétisation des jours de RTT. Selon ce dispositif :

S’agissant d’une renonciation valable sous condition d’accord entre les parties, nous recommandons naturellement la signature d’un document en bonne et due forme (sous la forme d’un avenant au contrat de travail, d’un courrier ou à tout le moins d’un formulaire de demande et acceptation signé des deux parties) visant expressément les dispositions appliquées et l’ensemble des modalités pratiques liées à la renonciation (nombre de jours concernés, montant de la majoration, etc.).

Les commentaires ont été nombreux sur cette disposition et il apparaît nécessaire de repréciser ce qu’il convient d’entendre par « jours de RTT ». Dans la pratique en effet, il n’est pas rare de voir des accords d’entreprise octroyer des jours de RTT à tous les salariés quel que soit le type d’aménagement du temps de travail concerné. Or, ce terme vise en réalité une catégorie bien définie de personnel : les jours de « RTT » sont des jours de repos qui sont octroyés aux salariés en application d'un accord dit de « réduction de temps de travail » ou d'un dispositif dit « d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine » afin de leur permettre de revenir, en fin de période, à une durée du travail « réalisée » égale à la durée légale du travail, c’est-à-dire 35 heures par semaine. Ces jours de RTT ne concernent pas, en particulier, les salariés soumis à une convention individuelle de forfait en jours, qui bénéficient de jours supplémentaires de repos (et non de jours de « RTT ») et qui bénéficient déjà d'un mécanisme similaire prévu par le Code du travail. Même s’il a fait grand bruit, ce nouveau dispositif concerne en réalité, en pratique, un nombre relativement faible de salariés.

Titres-restaurant[6] et frais de repas

La Loi de finances rectificative, en son article 1, prévoit la revalorisation des exonérations fiscales et sociales de la participation patronale au financement des titres-restaurant. Cette mesure porte l’exonération à 5,92 euros par titre-restaurant. Cette mesure s'applique aux titres émis du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022.

La Loi pouvoir d'achat autorise, quant à elle, jusqu'au 31 décembre 2023, l'utilisation des titres-restaurant pour payer tout produit alimentaire qu'il soit ou non directement consommable. Cette mesure est entrée en vigueur le 18 août 2022

Les limites d'exonération sociale et fiscale des allocations forfaitaires pour frais de repas sont également revalorisées à compter du 1er septembre 2022. Pour mémoire, ces dispositions concernent les salariés contraints d'engager des dépenses supplémentaires pour prendre leur repas (comme les salariés en déplacement notamment). Un arrêté est encore attendu sur ce point.

Frais de transport domicile-lieu de travail

Plusieurs mesures sont prises aux articles 2 et 3 de la loi de finances rectificative pour 2022 en vue d’alléger le coût des trajets domicile-lieu de travail des salariés.

Les conditions d’accès à la « prime transport » sont assouplies provisoirement.

En principe et de manière très synthétique, ce dispositif non obligatoire permet à l'employeur de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l'alimentation de certains véhicules (notamment électriques), des salariés dont la résidence habituelle, le lieu de travail ou encore ses horaires de travail les contraignent à utiliser leur véhicule personnel.

En application des nouvelles dispositions, en 2022 et 2023, tous les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif. Cela signifie, en pratique, que les employeurs qui ont déjà mis en place ce dispositif peuvent en faire bénéficier l’ensemble de leurs salariés, s’ils le souhaitent et sous réserve d’une modification des dispositions en vigueur au sein de l’entreprise. Pour limiter les risques de contestation en fin d’application « généralisée » du dispositif, il peut en revanche être recommandé de bien viser les nouvelles dispositions et de préciser que cette mesure est temporaire.

Le texte autorise par ailleurs le cumul entre la « prime transport » et la prise en charge obligatoire de 50% du coût des abonnements à des transports publics pour les années 2022 et 2023, ce qui était interdit jusqu’à présent. (Article L.3261-3 du Code du travail)

Concernant cette prise en charge obligatoire de 50% des titres d’abonnement, le texte précise désormais que pour les années 2022 et 2023, l'employeur qui souhaiterait augmenter le taux de prise en charge au-delà de 50% peut bénéficier d’une exonération fiscale et sociale dans la limite de 25% du prix du titre, c’est-à-dire, au global, dans la limite de 75% (prise en charge obligatoire incluse).

Le texte prévoit par ailleurs la hausse de la limite d'exonération d'impôt sur le revenu (et de cotisations sociales), pour les années 2022 et 2023, de plusieurs avantages :

Activité partielle

Pour terminer, l’article 33 de la Loi de finances rectificative rétablit le dispositif d'activité partielle dédié aux personnes dites « vulnérables ».

Pour mémoire, ce dispositif, qui permet à l’employeur de placer en activité partielle ces personnes lorsqu’elles ne sont pas en mesure de travailler (ou télétravailler) en raison des risques de contracter une forme grave de Covid-19 était applicable jusqu'au 31 juillet 2022 (et avait été prolongé par voie de questions / réponses par le gouvernement pour le mois d’août 2022, en l’absence de texte).

Ce dispositif est rétabli pour les heures chômées à compter du 1er septembre 2022 et jusqu'au 31 janvier 2023 au plus tard.

Un décret d'application du 30 août 2022 vient d'être publié au Journal officiel[7] et détermine les nouveaux taux d’indemnisation à prendre en considération :

A noter qu’un projet de décret a tout juste été transmis aux partenaires sociaux concernant la définition des critères de vulnérabilité au Covid-19.A date, les critères devraient être identiques aux précédents.

Le nombre et la variété des dispositions contenues dans les lois du 16 août 2022 rendent l’assimilation de ces deux textes pour le moins complexe et risquent d’exposer un certain nombre d’entreprises à des risques accrus de redressements URSSAF ou fiscal.

Pour chaque dispositif, il revient donc à chaque entreprise d’en faire une analyse précise et complète afin de s’assurer que la règlementation est correctement appliquée. Dans cette optique, il convient d’être particulièrement vigilant concernant les dates d'entrée en vigueur et la durée d’application des nouvelles dispositions, qui sont, on peut le regretter, loin d’être harmonisées.

(*) AvoSial est une association d'avocats en droit du travail et de la sécurité sociale qui conseillent et représentent les employeurs en justice.

Source URL : https://www.actuel-rh.fr/content/paquet-pouvoir-dachat-transport-titres-restaurant-heures-supplementaires-les-autres-mesures

[1] LOI n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat

[2] LOI n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022

[3] Ainsi que les heures complémentaires pour les salariés à temps partiel et les jours travaillés au-delà de 218 jours par an pour les salariés soumis à un forfait annuel en jours

[4] Ce dispositif sera également applicable aux heures supplémentaires effectuées au-delà de 1.607 heures par an pour les salariés en forfait annuel en heures ou les salariés soumis à un aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre du temps partiel pour les besoins de la vie personnelle, et aux jours travaillées au-delà de 218 jours par an en cas de rachat de jours de repos avec accord de l’employeur, mais pas aux heures complémentaires réalisées par les salariés à temps partiel, qui ne sont pas visées par les textes.

[5] La rémunération majorée ouvre droit aux exonérations de cotisations sociales et d'impôts sur le revenu dans les mêmes conditions que les heures supplémentaires et complémentaires (article 81 quater du Code général des impôts) et, selon l’effectif, de la déduction forfaitaire de cotisations patronales (article L.241-18 du Code de la sécurité sociale).

[6] A noter qu’il est, a priori, toujours question d'augmenter le plafond journalier de paiement des titres-restaurant. Fixé à 19 euros depuis le 1er juillet 2022, ce plafond avait été doublé pendant la crise sanitaire. En juillet 2022, le ministre de l'Economie avait indiqué qu'il était favorable un relèvement du plafond de paiement à 25 euros. Un texte est encore attendu pour acter de cette augmentation.

[7] Décret du 30 août 2022 n°2022-1195.

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