AvoSial (*) publie des chroniques pour actuEL-RH. Dans cette chronique, Anne Leleu-Eté, avocate associée au sein du cabinet Axel Avocats, revient sur les mesures de la loi sur le pouvoir d'achat relatives à la nouvelle prime de partage de la valeur.

Chronique publiée dans l’actualité actuEL RH à lire en cliquant sur le lien ci-après : https://www.actuel-rh.fr/content/mesures-durgence-pour-le-pouvoir-dachat-interessant-les-employeurs-focus-sur-la-prime-de ou bien à lire ci-après.

Le 12 août 2022, le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel des dispositions du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat[1], qui fait partie du « paquet pouvoir d'achat » élaboré cet été par le gouvernement et destiné à limiter les effets de l'inflation sur le niveau de vie des Français.

À l'issue d'un processus législatif rapide, ce texte, présenté en Conseil des ministres le 7 juillet 2022 et publié au Journal Officiel le 17 août 2022 contient un certain nombre de mesures à destination des employeurs en vue de soutenir le pouvoir d'achat des salariés : (i) la pérennisation de l'ancienne prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) instaurée en 2018 par Emmanuel Macron et qui devient la prime de partage de la valeur (PPV), (ii) certaines mesures en faveur du développement de l'intéressement et (iii) de nouvelles modalités de déblocage anticipé de l'épargne salariale.

Ce premier volet d’une série de plusieurs articles revient sur la mesure incontournable du texte, la « prime de partage de la valeur », qui figure d’ailleurs en article 1.

Incontournable, la création de la prime de partage de la valeur (PPV) l’est probablement moins par la nouveauté du dispositif, finalement assez relative, que par les critiques qu’elle a pu essuyer tout au long du processus législatif. Elle a en effet fait l'objet, ces dernières semaines, de nombreux reproches de la part de l'opposition qui, dans un contexte de discussions autour du pouvoir d’achat des Français, y aurait préféré une augmentation du SMIC ou, à tout le moins, une mesure contraignante destinée à revaloriser la rémunération des salariés.

La PPV, comme son ancêtre la PEPA, reste donc un dispositif facultatif. Qu’en est-il de ses bénéficiaires, de ses modalités de versement et du régime social et fiscal applicable ? Le nouveau dispositif a-t-il réellement plus d’intérêt que le précédent ?

C’est ce que nous analysons dans cet article spécial « PPV ».

Les modalités de la PPV

En façade, le nouveau dispositif pérennise la possibilité pour les employeurs de verser à leurs collaborateurs une prime, d’un montant potentiellement plus élevé que la PEPA précédente, et qui bénéficie d’un régime social et fiscal de faveur. Les choses ne sont toutefois pas si simples et, nous allons le voir, la prime bénéficie d’un régime fiscal et social de faveur « dégressif » avec le temps, de sorte qu’il conviendra d'être vigilant relativement au calendrier de versement.

Tout d’abord, un certain nombre de modalités ne changent pas.

Les employeurs concernés et les bénéficiaires restent les mêmes.

L'employeur peut toujours verser la prime soit à l’ensemble de son personnel, soit à une partie seulement, selon un plafond de rémunération qu’il aura défini dans le texte socle.

De la même manière, la fixation du montant de la prime est toujours libre et peut être fixe ou bien variable, selon des critères de modulation préalablement définis. Les critères de modulation que nous connaissions précédemment sont maintenus, à savoir la rémunération, le niveau de classification, la durée de présence effective pendant l'année écoulée[2] et la durée du travail prévue au contrat. S'y ajoute néanmoins le nouveau critère de l'ancienneté, qui n'existait pas jusqu'alors et sur lequel aucune précision particulière n’est donnée, si ce n’est que l’ancienneté à retenir est celle « dans l’entreprise ».

Les modalités de mise en place de la PPV restent, de la même manière, peu ou prou les mêmes.

L’employeur qui souhaite verser la PPV à ses collaborateurs pourra ainsi toujours conclure un accord collectif au niveau de l'entreprise ou du groupe selon les modalités prévues pour les accords d'intéressement, ou opter pour la décision unilatérale. Ce qui change en revanche, c'est l'obligation, en cas d’option pour la voie unilatérale, de consulter préalablement le CSE s'il en existe un dans l'entreprise.[3] A noter qu’une première version du texte prévoyait simplement l’obligation d’informer le CSE et non de le consulter, comme cela était le cas pour la PEPA. C’est finalement une obligation plus contraignante qui a été choisie sur ce point, sans toutefois imposer aux entreprises dotées de délégués syndicaux de faire de la négociation d’un accord collectif un passage obligé.

Le versement de la prime est désormais autorisé en une ou plusieurs fois dans la limite d'une fois par trimestre au cours de l'année civile. Un maximum de 4 échéances par an peut donc être prévu. A noter que la première mouture du texte était un peu moins précise sur ce point puisqu’elle prévoyait la possibilité de verser la prime en plusieurs fois au cours de l'année civile mais excluait expressément le versement sur une base mensuelle, pour concilier cette modalité avec le principe de « non-substitution à un élément de rémunération ».

A l’évidence et comme cela a été rappelé par le ministère du Travail dans sa fiche dédiée à la PPV[4] et par l’URSSAF, la somme versée doit être déclarée et apparaître sur le bulletin de paie. L’URSSAF a d’ailleurs publié une note[5], qu’il est possible de retrouver sur son site internet, et qui a notamment pour objectif d’aider les employeurs à remplir leurs obligations déclaratives en DSN[6].

Plafonds d'exonération

La mesure significative en matière de PPV reste l'augmentation des plafonds d'exonération de la prime.

Concrètement, le montant maximal de la prime susceptible d'être exonéré est porté à 3.000 euros par an et par bénéficiaire au lieu des 1.000 euros précédents. Ce plafond est porté à 6.000 euros au lieu de 2.000 euros lorsque les entreprises sont dotées d'un dispositif d'intéressement ou d'un dispositif volontaire de participation, ainsi que pour certaines associations et fondations. On notera que les entreprises de moins de 50 salariés et les entreprises engagées dans une démarche de valorisation des « travailleurs de la 2e ligne », qui pouvaient bénéficier du plafond majoré de la PEPA 2021, ne sont plus éligibles au plafond majoré prévu pour la PPV.

La subtilité du texte provient du régime d’exonération fiscale et sociale désormais enserré dans un double calendrier : alors qu’un régime d'exonération pérenne est créé, un régime d'exonération temporaire sera applicable pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023.

Le régime « d'exonération pérenne » prévu par le texte permet d’exonérer la prime des cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle dans la limite de 3.000 euros ou de 6.000 euros selon le cas, de contribution formation, de taxe d'apprentissage et de participation construction. Sous ces dispositions, la prime est en revanche assujettie à la CSG/CRDS au titre des revenus d'activité (9,7% au total[7]), au forfait social de 20% sur la fraction exonérée de cotisations dans les mêmes conditions que la prime d’intéressement, et à l'impôt sur le revenu. Outre l'absence d'exonération fiscale prévue par le texte, il résulte ainsi de ces dispositions que la PPV sera assujettie au forfait social pour les entreprises de 250 salariés et plus. C’est en cela que ce premier régime peut être qualifié de régime « d’exonération réduite et pérenne ».

En revanche, il doit être noté concernant ce premier régime que pour ouvrir droit à l'exonération sociale et fiscale au titre des PEPA précédentes, le salarié bénéficiaire devait avoir perçu une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC au cours des 12 mois précédant le versement de la prime. Cette condition, qui figurait dans une première mouture du texte, a finalement été supprimée. Ainsi, tous les bénéficiaires peuvent désormais prétendre à un régime de faveur (dans la limite des plafonds prévus), ce qui constitue, malgré tout, une avancée.

Un régime « d’exonération renforcé et temporaire » est également prévu par le texte, qui a prévu que les PPV versées aux salariés qui ont perçu une rémunération inférieure à 3 fois le SMIC annuel au cours des 12 mois précédant le versement de la prime seront à la fois exonérées d'impôt sur le revenu, de CGG/CRDS, de forfait social, et des cotisations sociales listées supra. L'exonération sociale et fiscale sera donc totale pour ces salariés, dans la limite de 3.000 euros ou de 6.000 euros selon le cas, et ce pour les primes versées jusqu'au 31 décembre 2023.

Dernière mesure incitative, pour les entreprises qui auraient déjà versé une PEPA en 2022, et qui voudraient verser une PPV au titre de cette même année civile, le texte précise que l'exonération d'impôt sur le revenu ne pourra pas excéder 6.000 euros au global. Cette limite ne concerne en revanche pas les exonérations sociales.

A n’en pas douter, les entreprises qui seraient en mesure de verser ce type de prime ne devraient pas hésiter à le faire jusqu’en 2023, la question restant en suspens pour les années suivantes au vu du régime fiscal et social bien moins attractif à compter du 1er janvier 2024.

(*) AvoSial est une association d'avocats en droit du travail et de la sécurité sociale qui conseillent et représentent les employeurs en justice.

Source URL : https://www.actuel-rh.fr/content/mesures-durgence-pour-le-pouvoir-dachat-interessant-les-employeurs-focus-sur-la-prime-de

[1] LOI n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat

[2] Avec un point d’attention sur certains congés liés à la maternité et à la paternité au sens large qui restent assimilés à des périodes de présence effective.

[3] L’obligation est même très contraignante concernant le personnel intérimaire puisque le texte oblige les l’entreprise utilisatrice qui souhaite verser une PPV d’informer l’entreprise de travail temporaire sans délai du versement prévu, cette dernière devant alors informer son CSE. En pratique, cela risque inévitablement de causer quelques difficultés.

[4] https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-remuneration/article/la-prime-de-partage-de-la-valeur

[5] https://www.urssaf.fr/portail/home/actualites/toute-lactualite-employeur/le-point-sur-la-prime-de-partage.html

[6] https://net-entreprises.custhelp.com/app/answers/detail_dsn/a_id/2592/kw/ppv

[7] Après application d’un abattement d’assiette pour frais professionnels au taux de 1,75% selon le site net-entreprises

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