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et de la sécurité sociale.
La consommation de produits stupéfiants présente des risques pour la sécurité des travailleurs.
Le fait d’être sous l’emprise de substances illicites peut engendrer un comportement incompatible à l’accomplissement du travail en toute sécurité. En effet, le manque de concentration ou de réflexes nécessaires à l’exercice de l’activité du salarié est susceptible d’exposer les personnes (le salarié lui-même, ses collègues ou bien des tiers), ainsi que les biens, à un danger.
En outre, une responsabilité pèse sur l’employeur en cas de dommages causés par des salariés sous l’emprise de produits stupéfiants. A cela s’ajoute l’obligation générale de santé et de sécurité qui incombe à l’employeur.
Il est possible de mettre en place des dispositifs de contrôle destinés à limiter les risques à cet égard.
Voyons comment.
L’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et la santé de ses collaborateurs. Cette obligation, prévue à l’article L.4121-1 du Code du travail, constitue l’un des fondements essentiels de toute relation de travail salariée. Elle est générale et doit être respectée par tous
En parallèle, les salariés ont aussi leur propre obligation d’assurer leur propre sécurité ainsi que celles de leurs collègues, résultant des dispositions de l’article L. 4122-1 du Code du travail.
Dans ce contexte, il peut être souhaitable de mettre en place un dispositif de contrôle de l’usage des stupéfiants dans l’entreprise afin de contrôler la capacité des salariés de réaliser leur travail correctement mais surtout de le réaliser en toute sécurité pour eux-mêmes et pour autrui.
Si le principe est clair, et l’objectif légitime, il reste que l’employeur ne peut décider de mettre un dispositif de contrôle en place sans respecter un minimum de règles.
Hors laboratoire, le contrôle de l’usage de stupéfiants se fait par la voie des tests salivaires.
Un test salivaire de détection de produits stupéfiants a pour seul objet de révéler, par une lecture instantanée, l’existence d’une consommation récente de substance stupéfiante. Cette méthode ne dépiste généralement que les principales drogues et famille de drogues connues.
Une fois le test réalisé (en positionnant l’embout dédié à cet effet sous la langue de la personne concernée), le test salivaire donne un résultat « positif » ou « négatif » ; l’on dit qu’il s’agit d’une « méthode qualitative » de dépistage.
Il ne constitue pas un examen de biologie médicale ; il a uniquement pour but de vérifier la présence ou non de drogues dans l’organisme.
Si la question a pu se poser de savoir si l’employeur avait la possibilité, au sein de l’entreprise, de mettre en place un tel dispositif de contrôle, le débat semble clos depuis quelques années maintenant.
En 2011, le Comité national consultatif d’éthique avait rendu un avis mentionnant que la mise en œuvre des tests salivaires au travail et leur lecture devaient être réservées à un professionnel de santé, et leur interprétation laissée au médecin du travail. L’employeur ne pouvait donc pas être titulaire d’un tel droit (Avis de 2011 « Usage de l’alcool, des drogues et toxicomanie en milieu de travail. Enjeux éthiques liés à leurs risques et à leur détection »).
Se fondant notamment sur cet avis, la cour d’appel de Marseille avait rendu une décision dans ce sens, au détour d’une affaire concernant une société qui souhaitait modifier son règlement intérieur en insérant une clause autorisant l’employeur à mettre en place des tests salivaires (CAA de Marseille, 21 aout 2015 n°14MA02413).
Néanmoins, le débat a été rapidement clos avec l’intervention du Conseil d’état qui a désavoué la Cour administrative d’appel de Marseille et a considéré que l’employeur pouvait effectuer lui-même des tests salivaires sur des salariés dont le poste est dit « hypersensibles drogues et alcool » (Conseil d’Etat, 5 décembre 2016 n°394178).
Lorsque l’on évoque le terme « employeur », il faut comprendre que peut-être visé le représentant légal de l’entreprise si l’employeur est une personne morale, ou bien l’employeur s’il est individuel. Il est également autorisé de faire appel au supérieur hiérarchique du salarié pour réaliser ce test
Cette possibilité pour l’employeur peut être rapprochée de celle de réaliser des contrôles d’alcoolémie pour les salariés occupant un poste à risques (Conseil d’Etat, 1er février 1980 n°06361). Rappelons à cet égard que l’article R.4228-21 du Code du travail précise qu’ « il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse ».
La mise en place de tests salivaires effectués en entreprise est soumise à un certain nombre de règles qui, en raison de leur thématique liée à la santé et à la sécurité des salariés et leur caractère général et collectif, doivent être reprises par :
A noter : L’article L. 1321-4 du Code du travail précise que « Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité social et économique ». A cette mesure s’ajoute l’article L.2312-38 du Code du travail qui rappelle que « Le comité est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ». Ces dispositions combinées impliquent que le CSE soit informé et consulté préalablement à la mise en place du dispositif. A défaut de consultation en bonne et due forme, le règlement intérieur et a fortiori les dispositifs de contrôle de l’usage de stupéfiants ne peuvent pas être opposables aux salariés (Cass. Soc. 4 juin 1969 n°68-40337).
Notons que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut même avoir recours, sous certaines conditions, à un expert dans ces conditions (article L. 2315-94 du Code du travail).
Le dispositif de tests salivaires ne peut être valablement mis en place que si certaines conditions sont respectées.
De la sorte, ne peut pas être visé l’ensemble des salariés ; il peut même être recommandé de préciser dans le règlement intérieur la liste des postes concernés par lesdits tests ou bien de se référer au Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) qui doit avoir listé les postes à risques.
Le droit à la contre-expertise doit impérativement figurer dans le règlement intérieur et doit idéalement consister en une contre-expertise médicale (à savoir une prise de sang). Elle doit être financée par l’employeur.
Il n’en est toutefois pas de même pour la contre-expertise qui, pratiquée en laboratoire, ne pourra pas être accessible à l’employeur dès lors qu’elle sera couverte par le secret médical, ce qui engendre des difficultés non négligeables en pratique.
A noter : Aucun texte ni décision de justice n’impose à l’employeur de prévoir que le salarié pourra être accompagné par un tiers, voire un représentant du personnel, dans le cadre de la réalisation du test salivaire. Il s’agit de la même règle que pour les alcootests (Conseil d’Etat, 1 juillet 1988 n°81445 – Conseil d’Etat, 12 novembre 1990 n°96721).
La Cour de cassation a admis la faculté pour l’employeur d’établir la faute du salarié à partir du résultat d’un test d’alcoolémie (Cass soc, 22 mai 2002 n°99-45.878).
En 2016, le Conseil d’Etat a rejoint la position de la Cour de cassation et a considéré que les résultats de tests, cette fois-ci salivaires, pouvaient justifier des sanctions disciplinaires à l’égard du salarié.
Ainsi, lorsque le test salivaire est positif, le salarié s’expose au risque d’une sanction disciplinaire, laquelle devra être choisie parmi l’échelle des sanctions prévue par le règlement intérieur ou la note de service éventuellement en vigueur dans l’entreprise.
A par exemple été retenue la faute grave à l’encontre d’un steward qui avait consommé des drogues entre deux vols, considérant qu’il n’avait alors pas respecté les obligations prévues par son contrat de travail et avait fait courir un risque aux passagers (Cass. Soc, 27 mars 2012 n°10-19.915).
La même solution a été retenue pour le salarié qui a causé un accident avec le véhicule de la société alors qu’il était sous l’emprise de stupéfiants (CA Douai, 26 octobre 2012 n°11/04347).
Même si le principe de « tolérance zéro » tend à s’appliquer, il conviendra d’être vigilant relativement à la sanction choisie, laquelle devra être appropriée à la situation du salarié et notamment à son ancienneté et à ses éventuels antécédents disciplinaires, ou encore, à son poste ou à la situation dans laquelle le salarié a été considéré comme étant positif.
Notons qu’en matière de consommation d’alcool, le juge a pu retenir une faute simple en tenant compte de l’ancienneté du salarié qui était alcoolisé au lieu et temps de travail alors même que son poste impliquait la conduite d’un véhicule (CA Rouen, 28 octobre 2021 n°19/01513).
Oui, le salarié a toujours la possibilité de refuser un test salivaire.
Néanmoins, si le dispositif a été mis en place de manière régulière, alors, le salarié prend des risques en refusant ce test dès lors qu’il peut être prévu que l’éventuel refus de passer le test pourra justifier, à lui-seul, une sanction disciplinaire.
A cet égard, il doit être rappelé qu’il est de principe que le refus de se soumettre au règlement intérieur constitue une faute résultant de la violation des obligations découlant du contrat de travail (Circulaire DGT no 2008/22, 19 novembre 2008).
Il a par ailleurs été jugé que le fait, pour un salarié, de refuser de se soumettre à un test de dépistage de l’alcoolémie auquel l’employeur était en droit de recourir constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail et une faute grave (CA Metz, 3 juin 2013 n°11/01987).
En revanche, si le dispositif n’a pas été mis en place de manière régulière, alors la sanction disciplinaire ne pourra pas être valable : le refus d’un salarié de se soumettre à un test urinaire non prévu par le règlement intérieur n’est pas constitutif d’une faute (Cour d’Appel de Montpellier, 15 mars 2023 n°19/06750).