Mutuelle, prévoyance, retraite : quelles obligations de l’employeur et quelles condamnations?

L’employeur a de multiples obligations en matière de mutuelle, prévoyance et retraite. Quelles sont-elles et que se passe-t-il lorsque l’employeur ne les respectent pas ? C’est ce que nous voyons dans cet article.

1/ Les obligations de l’employeur en matière de mutuelle, prévoyance et retraite

  • La mutuelle

Depuis le 1er janvier 2016, l’employeur doit offrir à l’ensemble de ses salariés une couverture complémentaire frais de santé obligatoire qui garantit un niveau minimal de remboursement des frais engagés par le salarié à l’occasion de la maladie, de la maternité ou de l’accident. Cette couverture minimale, nommée « panier minimal », comprend la prise en charge totale ou partielle des dépenses énumérées par les articles L.911-7 et D.911-1 du Code de sécurité sociale.

Qu’est-ce que le panier minimal ?

La couverture minimale frais de santé offerte aux salariés doit prendre en charge intégralement le ticket modérateur, c’est-à-dire la part restant à la charge des assurés sur toute dépense faisant objet d’un remboursement par la sécurité sociale sur la base du tarif conventionnel, notamment sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie, excepté quelques exclusions. Ce régime complémentaire doit également couvrir la totalité du forfait journalier hospitalier, les frais dentaires à hauteur de 125% du tarif conventionnel et les frais d’optique de manière forfaitaire, par période de 2 ans pour les adultes et annuellement pour les enfants, avec un minimum de prise en charge fixé à 100 euros pour une correction simple et 150 voire 200 euros pour une correction complexe.

Un financement exonéré de cotisations sociales sous certaines conditions

Ledit régime est, a minima, financé pour moitié par l’employeur, outre une obligation de cotisation supérieure découlant éventuellement de la convention collective de branche applicable à l’employeur.

A noter, pour être exonéré de cotisations sociales, la contribution patronale doit financer un contrat dit « responsable », c’est à dire en respectant les plafonds de remboursement fixés par la réglementation et encourageant le respect du parcours de soins coordonnés. Ce contrat doit également être « solidaire », les cotisations variant en fonction de l’état de santé des individus couverts.

Caractère obligatoire du régime sauf dispense

Les garanties sont mises en place à titre obligatoire au profit des salariés sous réserve des facultés de dispense d’adhésion, dont le salarié peut user, lesquelles sont prévues dans l’acte juridique et énoncées par l’article R.242-1-6 2° du Code de la sécurité sociale d’une part et des dispenses de droits présentées par l’article L.911-7 et D.911-2 du Code de sécurité sociale d’autre part.

  • La prévoyance

Par principe, l’employeur n’a aucune obligation de souscrire un contrat couvrant l’incapacité, l’invalidité et le décès au titre de la prévoyance collective.

Toutefois, si la convention collective ou l’accord de branche auquel il est rattaché le mentionne, il est, de ce fait, obligé de le mettre en place.

De plus, la couverture prévoyance des cadres est rendue obligatoire par l'article 7 de la Convention Collective Nationale des Cadres du 14 mars 1947. Cette convention oblige au versement d’une cotisation patronale au titre de chacun des salariés cadres ou assimilés cadres de l’entreprise. La cotisation au contrat de prévoyance cadre s’élève à 1,50% de la tranche A du salaire (dans la limite du plafond de la sécurité sociale). Cette cotisation doit être consacrée en priorité à la couverture décès. Le contrat de prévoyance décès couvre donc a minima le décès du salarié adhérent mais peut s’étendre à la couverture décès de son conjoint, de ses enfants ou de son partenaire de PACS. L’employeur est libre de définir le niveau de garantie couvert par ce contrat.

  • La retraite

Pour la retraite, l’employeur est tenu de cotiser au titre de la retraite de base des salariés mais également au titre de la retraite complémentaire (AGIRC / ARRCO).

Il peut parfois mettre en place des régimes dit de retraite supplémentaire (article 39 ou article 83 du Code général des impôts) qui demandent de respecter certaines conditions pour être valablement mis en place et permettre l’exonération de cotisations versées.

A noter, pour être exonéré de cotisations sociales au titre de la prévoyance ou de la retraite supplémentaire, la contribution patronale doit financer un régime collectif et obligatoire.

Cependant, si l’employeur ne respecte pas les obligations définies supra, il risque des condamnations financières en cas de contentieux outre des redressements URSSAF.

2/ Les condamnations encourues par l’employeur en cas de non-respect de ces obligations

  • La mutuelle

Lorsque l’employeur ne remplit pas son obligation de couverture des frais de santé, il s’expose à diverses sanctions pécuniaires.

En cas de non-affiliation à la mutuelle, comme l’indiquait la Cour d’appel d’Aix en Provence, l’employeur peut être condamné à des dommages et intérêts (650 euros en l’espèce, CA d’Aix-en-Provence, 1 juillet 2022, nº 19/02045 ou encore une enveloppe globale de 3.000 euros comprenant la non-affiliation CA Lyon, 5 mai 2017, nº 16/00253).

L’employeur peut également être condamné à reverser les cotisations salariales indûment prélevées au salarié au titre de la mutuelle, comme l’a fait la Cour d’appel de Versailles (à hauteur de 1.763,30 euros dans cette affaire CA Versailles, 10 février 2022, n°19/02561).

En revanche, lorsque l’absence d’affiliation n’est pas imputable à l’employeur, la jurisprudence ne met pas à sa charge, en principe, ni le remboursement des frais engagés par le salarié ni de dommages et intérêts. Ce fut par exemple le cas dans un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens dans lequel les documents signés n’avaient jamais été retournés par le salarié (CA Amiens, 18 novembre 2021, n°20/05322).

Lorsque l’affiliation est seulement tardive, les juridictions sont, par ailleurs, davantage clémentes avec les entreprises. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris, une entreprise était condamnée à des dommages et intérêts représentant 50% de la somme dont le salarié s’était acquitté pour bénéficier d’une mutuelle de sa propre initiative (CA Paris, 31 mars 2022, n° 19/08207).

A l’évidence, lorsque l’affiliation tardive résulte d’un manque de diligence du salarié, elle n’est pas fautive pour l’employeur (CA Aix en Provence, 2 juin 2022, n° 21/07376).

  • La prévoyance

L’absence de couverture pour les cadres

Pour les cadres non affiliés à la prévoyance, le préjudice est réparé par suite d’un décès, au titre du non-respect de cette obligation, par le versement d’un capital correspondant à 3 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (ci-après « PASS ») prévu par l'article 7 de la Convention Collective Nationale des Cadres du 14 mars 1947, soit 139.104 euros en 2024. Bien que non indiqué dans le texte, il est de jurisprudence constante d’accompagner la réparation de ce préjudice par l’indemnisation de la perte de chance de percevoir un capital décès et une/des rente(s) éducation(s).

La Cour d’appel de Douai condamnait ainsi un employeur à cette indemnité, en raison de la perte de chance de percevoir un capital décès à hauteur de 146.808 euros et à la perte de chance de percevoir une rente éducation à hauteur de 41.585 euros (CA Douai, 20 mai 2021, n° 17/06918).

La jurisprudence évolue !

Dans un arrêt récent (CA Douai, 8 février 2024, n°22/03391), la Cour d’appel de Douai condamnait un employeur au versement de 5.000 euros au titre de la réparation intégrale du préjudice moral de la victime « sans pertes ni profits pour celle-ci », dans une situation où la salariée démontrait avoir subi un préjudice moral et des difficultés financières du fait de l’absence d’affiliation à la prévoyance après le décès de son époux.

Il reste à déterminer si cette jurisprudence, encore isolée, sera appliquée plus largement lorsqu’un préjudice moral est mis en exergue par le demandeur.

Lorsque l’obligation d’affiliation à la prévoyance des cadres n’est pas remplie par l’employeur et que le salarié est encore vivant, l’employeur doit régulariser la situation, qui doit donc s’acquitter des éventuels trop perçus qui n’ont, de fait, pas été reversés à l’organisme assureur, et du paiement de dommages et intérêts pour défaut d’affiliation à la prévoyance des cadres.

L’absence de couverture imposée par la convention collective

Comme exposé ci-dessus, l’obligation de souscrire des garanties prévoyance peut également résulter de la convention collective de branche applicable à l’entreprise. Dans ce cas, la jurisprudence envisage des sanctions similaires à celles évoquées ci-dessus :

  • lorsque l’employeur a tardé dans l’exécution de son obligation d’affiliation à la prévoyance, il peut être condamné au versement de dommages et intérêts, à l’image de ce que prévoyait la Cour d’appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 1er juillet 2022 dans lequel la société était condamnée au paiement de 250 euros de dommages et intérêts (CA Aix en Provence, 1er juillet 2022, n° 19/02045).

 

  • la Cour d’appel de Versailles condamnait, par ailleurs, l’employeur à la réparation du préjudice du salarié par le versement de dommages et intérêts, liés à l’absence de maintien du salaire du salarié pendant la période prévue par la convention collective applicable (CA Versailles, 21 septembre 2023, n°21/01125).

 

  • le défaut d’affiliation est susceptible de constituer en lui-même un manquement fautif causant un préjudice au salarié qui peut en demander réparation (CA Lyon, 20 septembre 2023, n°21/06860).

Cependant, lorsque l’absence d’affiliation ne cause aucun préjudice au salarié, il peut arriver qu’aucune condamnation ne soit mise à la charge de l’employeur, comme l’indiquait la Cour d’appel de Reims dans un arrêt où le salarié aurait dû bénéficier d’une prévoyance dès le début de son contrat mais n’en a retiré aucun préjudice (CA Reims, 7 octobre 2020, n° 19/01321).

  • La retraite

Pour la retraite, l’absence de versement de cotisations est également susceptible d’entraîner des condamnations pour l’entreprise.

Lorsque l’employeur a tardé à payer les cotisations retraite, il peut être condamné d’une part au versement des dommages et intérêts, et d’autre part à la régularisation des cotisations retraites manquantes. A cet égard, la Cour d’appel d’Amiens condamnait l’entreprise à 500 euros de dommages et intérêts avec obligation de régularisation des cotisations (CA Amiens, 18 novembre 2021, n°20/05322).

De la même manière, lorsque les cotisations n’ont tout simplement pas été versées par l’employeur, l’entreprise peut être condamnée à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. La Cour d’appel d’Aix en Provence condamnait ainsi l’employeur à payer la somme de 1.500 euros à ce titre (CA Aix en Provence, 26 janvier 2023, n°20/05046).

Dans un arrêt du 20 septembre 2023, la Cour d’appel de Lyon rappelait par ailleurs que le défaut de prise en compte de plusieurs trimestres constituait une perte de chance dont la réparation devrait être évaluée au regard de la chance perdue et ne pouvait pas, en revanche, être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Dans cette affaire, la société était condamnée à payer au salarié la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice (enveloppe qui comprenait différents préjudices) (CA Lyon, 20 septembre 2023, n°21-06860).

Vous souhaitez vous assurer que vous respectez vos obligations en tant qu’employeur ? Vous souhaitez mettre en place des régimes de mutuelle, prévoyance ou retraite en conformité avec la réglementation ?   Contactez-nous
Prendre RDV