Solidarité financière du donneur d'ordre : connaître ses obligations

Que vous soyez une personne physique ou morale, si vous êtes donneur d’ordre et avez recours à des cocontractants (sous-traitants, prestataires de services, freelances, etc.), un certain nombre d'obligations vous incombent et leur non-respect vous expose à des risques financiers significatifs.

L’obligation de vigilance

Cette obligation de vigilance couvre les obligations du donneur d’ordre en matière de travail dissimulé, et d’emploi de salariés étrangers.

Dans ce cadre, il est prévu par le Code du travail que toute personne qui conclut un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à 5.000 euros HT en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce doit s’assurer que son cocontractant s’acquitte de certaines obligations sociales et fiscales déclaratives. Cette obligation résulte des articles L.8222-1 et R.8222-1 du Code du travail.

Cette obligation de s’assurer que le sous-traitant ou prestataire de service exerce son activité conformément aux législations sociales françaises est plus souvent appelée « obligation de « vigilance ». 

Elle est valable dès la conclusion du contrat et tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution ce qui signifie que ces documents doivent être transmis en début de contrat puis au moins tous les 6 mois.

Concrètement, l’obligation de vigilance emporte l’obligation de réaliser certaines formalités obligatoires avant de démarrer une prestation.

Ainsi, le donneur d’ordre doit impérativement exiger de ses interlocuteurs qu'ils lui transmettent :

  • un document attestant de leur immatriculation : un extrait K-bis, une carte justifiant de l’inscription au répertoire des métiers, un devis, document publicitaire ou une correspondance professionnelle à condition que soient mentionné un certain nombre d’informations (dénomination sociale, adresse, numéro d’immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers ou à une liste professionnelle ou la référence de l’agrément si nécessaire) ;
  • une attestation de vigilance délivrée par l’URSSAF qui mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations que le cocontractant a déclaré lors de sa dernière échéance. Ce document atteste également de son respect des obligations de déclaration et de paiement des cotisations de sécurité sociale.

L’attestation de vigilance doit être datée de moins de 6 mois et doit ensuite être vérifiée par voie dématérialisée sur le site internet de l’URSSAF en utilisant le numéro d’identification présent sur l’attestation, à l'aide du module de vérification disponible sur le lien suivant : https://www.urssaf.fr/portail/home/utile-et-pratique/verification-attestation.html.

Si vous êtes un particulier qui contracte pour ses besoins personnels, un seul de ces documents suffit. (Article D.8222-4 du Code du travail)

Si vous êtes une personne morale, l'ensemble de ces documents devra être transmis en cas de contrôle URSSAF (Article D.8222-5 du Code du travail).

Attention : cette obligation est d’appréciation stricte et l’URSSAF n’est pas flexible, si les documents ne sont pas cohérents entre eux ou qu’il existe des différences de mention (Cass. Civ. 2ème 11 février 2016 n°12-21554), ou s’il manque un document, ce sera la sanction, et aucun autre document ne pourra le remplacer (Cass. Civ. 2ème 11 février 2016, n° 14-10614)

Si mon sous-traitant est une entreprise étrangère ?

L’obligation de vigilance existe même si le sous-traitant est une entreprise établie ou domiciliée à l’étranger. Toutefois, les documents qui doivent être produits par l’entreprise sont adaptés.

Attention : tous ces documents doivent être rédigés en français ou traduits en français (accompagnés d’une traduction). (Article D.8222-8 du Code du travail)

Que se passe-t-il en cas de manquement à l'obligation de vigilance ?

Il arrive que les cocontractants (sous-traitants ou prestataires de service par exemple) fassent l’objet d’un contrôle URSSAF destiné à vérifier leur respect de la règlementation en matière de travail dissimulé et paiement de cotisations sociales.

Dans ce cadre, en cas de non-respect des obligations en matière de vigilance et si le cocontractant fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé, le donneur d’ordre peut voir sa responsabilité financière mise en cause en vue du paiement des impôts, taxes, cotisations de sécurité sociale, rémunération et autres charges, outre le remboursement des aides publiques qu'il a perçues y compris les exonérations et réductions annulées dont a bénéficier le cocontractant auteur de l'infraction. (Article L.8222-2 du Code du travail)

En pratique, une lettre d’observation est adressée par l’URSSAF qui informe le donneur d’ordre de la mise en œuvre de sa responsabilité dans le cadre de la solidarité financière. (Article R.133-8-1 du Code de la sécurité sociale).

Les sanctions ne s’arrêtent pas là puisque l'URSSAF peut aussi annuler les exonérations et réductions de cotisations applicables aux propres salariés du donneur d’ordre sur toute la période pendant laquelle la situation de travail dissimulé a perduré. (Article L.133-4-5 du Code de la sécurité sociale)

Comment savoir si votre prestataire a effectivement fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé ?

Vous pouvez solliciter la production du document qui est obligatoirement établi avant la mise en œuvre de la solidarité financière, le « procès-verbal de délit de travail dissimulé » établi à l’encontre de ce dernier. Si vous contestez le redressement qui vous est notifié par l’URSSAF, il devra vous être transmis dans le cadre de la procédure. (Cass. Civ. 2ème 8 avril 2021 n°19-23728)

Le mécanisme de solidarité financière avec un sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour travail dissimulé peut notamment être appliqué :

  • au co-contractant qui a manqué de vigilance ;
  • au cocontractant condamné pour avoir eu recours sciemment au service de l'auteur de l'infraction de travail dissimulé ;
  • au maître d'ouvrage ou donneur d'ordre averti et qui n'a pas fait cesser l'infraction.

L’obligation de vigilance en matière de lutte contre l’emploi de salariés étrangers en situation irrégulière

En qualité de donneur d’ordre, ce dernier doit également s’assurer que son cocontractant respecte l’obligation légale de n’employeur que des travailleurs étrangers munis d’une autorisation de travail. Cette obligation résulte des articles L.8254-1, D.8254-1, D.8254-2 et D.8254-4 du Code du travail.

Il s’agit peu ou prou du même mécanisme que celui qui est prévu supra.

Dans ce cadre, le donneur d’ordre doit obtenir une attestation sur l’honneur indiquant si le sous-traitant fait appel à des salariés étrangers pour l’exécution du contrat et la confirmation de ce que les salariés sont autorisés à travailler en France. (Article L.8254-1 du Code du travail)

Lors de la conclusion du contrat et tous les 6 mois, la liste des travailleurs est adressée avec, pour chaque salarié, sa date d’embauche, sa nationalité et le type et numéro du titre valant autorisation de travail. (Articles D.8254-2 et D.8254-3 du Code du travail)

L’article L.8254-2 du Code du travail dispose que le donneur d’ordre qui ne respecte pas ses obligations en matière de lutte contre le travail illégal est solidairement tenu avec celui-ci au paiement :

  • des salaires dus au salarié non autorisé à travail ;
  • des indemnités de rupture ;
  • des frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays étranger ;
  • de la contribution spéciale à verser à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine.

Des obligations supplémentaires pour les grandes entreprises

Des obligations particulières existent à la charge des entreprises qui emploient plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 salariés dans le montant. Celles-ci doivent élaborer un plan de vigilance comportant des mesures propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes aux droits humaines et aux libertés fondamentales qui pourraient résulter des activités de la société mère, des sociétés qu’elle contrôle et leurs fournisseurs et sous-traitants, en France comme à l’étranger. (Article L.225-102-4 du Code de commerce)

 

L’obligation de diligence ou injonction

Le donneur d'ordre qui est informé par l’URSSAF du manquement d'un sous-traitant à ses obligations de déclaration des cotisations ou d’interdiction d’emploi de travailleurs étrangers sans autorisation, il doit aussi enjoindre ce dernier de faire cesser, sans délai, cette situation, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette procédure est prévue par les articles L.8222-6 et L.8254-2-1 du Code du travail qui prévoient les étapes obligatoires devant être respectées par le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre dès lors qu'il est informé par écrit par un agent de contrôle d'un organisme administratif de l’absence de conformité de son cocontractant, donnant lieu à la caractérisation d'une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ou dissimulation d'activité. (Articles L.8221-3 et L.8221-5 du Code du travail).

à défaut de respecter vos obligations en matière de vigilance en tant que donneur d'ordre, vous risquez d'être solidairement tenu de régler les impôts, taxes, cotisations de sécurité sociale, rémunération et autres charges de votre cocontractant virgule si celui-ci a eu recours au travail dissimulé.

Les mêmes sanctions qu’en cas de manquement à l’obligation de vigilance sont prévues en cas de non-respect de l’obligation de l’injonction.

L’obligation d’injonction liée à la législation du travail, au salaire minimum et au logement

Lorsque le donneur d’ordre est informé que son sous-traitant ne respecte pas le socle minimal de règles du droit du travail (règles relatives à l’interdiction de discrimination, l’exercice du droit de grève, la durée du travail, le salaire minimum, etc.), il a l’obligation d’enjoindre ce dernier, par écrit, d’y remédier sans délai. (Article L.8281-1 du Code du travail)

Cette obligation existe également en cas de non-respect des dispositions relatives au paiement du salaire minimum légal ou conventionnel (Article L.3245-2 du Code du travail) ou en cas de mise en place de conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine (Article L.4231-1 du Code du travail).

Ces trois procédures d’injonction sont précisément définies par le Code du travail avec des délais spécifiques qu’il convient impérativement de respecter. A défaut, l’organisme (URSSAF ou autre), est en mesure de mettre en jeu la solidarité financière du donneur d’ordre et le donneur d’ordre peut également voir sa responsabilité pénale mise en cause avec des amendes envisageables. (Article R.8282-1 du Code du travail)

Et si je ne suis pas seul donneur d’ordre (si mon sous-traitant avait plusieurs clients) ? suis-je dans l’obligation de régler l’ensemble de la dette ?

En cas de pluralité de donneurs d'ordre, la somme réclamée par l’URSSAF peut être proratisé :

  • au réel s'il est possible de déterminer l'assiette exacte éludée pour réaliser la prestation au profit de chacun des donneurs d'ordre (sur la base du nombre de salariés non déclarés virgule du montant des salaires versés en espèces, de la durée de l'infraction de travail dissimulé, des factures minorées ou occultées…)
  • soit en pourcentage de la masse salariale dissimulée ou du chiffre d'affaires réalisé par les salariés dissimulés.

La répartition au prorata du montant dû par chaque donneur d'ordre solidaire est établi en fonction des travaux ou des prestations réalisées et sur la base des devis, bons de commande ou de travaux, des factures et des contrats ou des documents commerciaux relatifs aux prestations exécutées par le biais du travail dissimulé.

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