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Lorsque les objectifs sont fixés unilatéralement par l’employeur, ce dernier ne peut plus les modifier seul au cours de la période pour laquelle ils ont été fixés. Dans un arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation rappelle que la modification des objectifs ne peut intervenir qu’en début d’exercice.
Chronique publiée dans l’actualité actuEL RH à lire en cliquant sur le lien ci-après : https://www.actuel-rh.fr/content/remuneration-variable-limites-au-pouvoir-de-modification-des-objectifs-par-lemployeur ou bien à lire ci-après.
Dans certains secteurs, il est courant de prévoir dans le contrat de travail, lorsque la fonction s’y prête, une rémunération dite « variable », en plus d’une rémunération mensuelle de base.
Le montant de la rémunération variable dépend alors, en tout ou partie, de l’atteinte par le salarié d’objectifs qui lui ont été fixés par l’employeur.
Ces objectifs attribués au salarié peuvent être fixés selon deux modalités : soit via une clause explicite dans le contrat de travail ou via un avenant signé par les deux parties, soit unilatéralement aux termes d’une politique sociale ou d’un courrier informant le salarié du niveau de ses objectifs.
De jurisprudence constante, les objectifs fixés par l’employeur doivent être réalistes et réalisables compte tenu de la situation économique du secteur d’activité. Le salarié doit par ailleurs être informé en début d’exercice (ou de la périodicité prévue dans le contrat) des objectifs qui lui sont assignés.
De telles conditions font que les objectifs n’ont parfois pas été correctement fixés en début de période, les parties pouvant s’en apercevoir une fois la période de réalisation déjà entamée (par méconnaissance du marché ou compte tenu de circonstances particulières, comme il a été possible de le connaître en 2020 du fait de la crise du Covid-19, par exemple).
Dans cette hypothèse, que peuvent faire les parties ? Est-il possible pour l’employeur de modifier les objectifs pour les adapter en cours d’exercice, et, le cas échéant, comment peut-il s’y prendre ?
Ce sont des questions pratiques qui nous sont régulièrement posées. Pour nous aider à y répondre, la Cour de cassation tranche régulièrement des questions de cet ordre.
Lorsque les objectifs sont fixés par accord entre les deux parties (que ce soit dans le contrat de travail ou par avenant), la situation est relativement simple puisque la modification des objectifs doit naturellement respecter le formalisme suivi initialement. Ainsi, toute modification ultérieure doit nécessairement faire l’objet d’un accord exprès du salarié[1].
Dans cet esprit, est considérée comme nulle la clause réservant à l'employeur le droit de modifier à tout moment le taux et les modalités de la partie variable du salaire qui ont été fixés par accord entre les parties[2].
Qui plus est, si la clause prévoit que les objectifs devront être révisés périodiquement (par exemple tous les ans ou au cours d’une certaine période), cette périodicité doit être rigoureusement respectée par l’employeur. En effet, à défaut, l’entreprise peut se trouver redevable de l’intégralité de la rémunération variable due pour la période au cours de laquelle les objectifs n’auraient pas été fixés[3].
Lorsque les objectifs sont fixés unilatéralement par l’employeur, la situation est en pratique plus complexe à appréhender pour les employeurs. Fixer unilatéralement des objectifs peut en effet amener à penser que l’employeur peut ensuite les modifier selon son bon vouloir.
Cela n’est toutefois pas aussi simple.
En effet, en cas de fixation unilatérale des objectifs, l’employeur ne peut les modifier unilatéralement au cours de la période pour laquelle ils ont été fixés.
Dans un arrêt récent du 8 avril 2021[4], la Cour de cassation a ainsi pu rappeler que la fixation unilatérale des objectifs par l’employeur ne peut intervenir qu’en début d’exercice, quand bien même ces derniers n’auraient manifestement pas été réalistes.
Dans cette affaire, une salariée avait atteint ses deux premiers objectifs dès le second semestre. Afin de rééquilibrer la situation, son employeur ne lui avait pas versé l’intégralité de la rémunération variable à laquelle elle aurait dû prétendre en cas d’atteinte des objectifs fixés.
Pour justifier sa position, l’employeur indiquait qu’au moment de leur fixation, la salariée savait que les objectifs n’étaient pas réalistes dès lors qu’elle les avait déjà dépassés (en l’espèce, les objectifs avaient été fixés tardivement).
Pour la Cour de cassation, cet argument est inopérant et ne peut pas permettre à l’employeur de modifier unilatéralement les objectifs en cours ou en fin d’exercice alors qu’il prend connaissance du niveau de leur exécution.
Concrètement, cela signifie que s’il souhaite modifier les objectifs en cours de période, l’employeur ne peut le faire qu’avec l’accord du salarié. A défaut, il doit respecter les objectifs qu’il a lui-même fixés.
[1] Cass. soc. 8 janvier 2002 pourvoi n° 99-44.467
[2] Cass. soc. 27 février 2001 pourvoi n° 99-40.219
[3] Cass. Soc. 4 juillet 2007, pourvoi n° 05-42616
[4] Cass. Soc. 8 avril 2021, pourvoi n°19-15.432