Le forfait annuel en jours dans la convention collective SYNTEC

Lorsque les fonctions d’un salarié rendent impossible le suivi d’un horaire prédéfini, il peut être envisageable de prévoir d’autres aménagements du temps du travail et, en particulier, de l’assujettir à un forfait annuel en jours s’il répond aux exigences d’autonomie prévues par le Code du travail, ou à défaut, à un forfait en heures.

En particulier, la Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, communément appelée « Syntec », prévoit des modalités particulières pour ces différents aménagement du temps de travail.

Quelles sont les conditions d’éligibilité, comment le forfait s’applique-t-il et quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect des conditions prévues par la loi et la convention collective ?

C’est ce que nous évoquons dans le présent article.

 

Au préalable, que signifie le terme « forfait » en droit du travail ?

 

Les conventions de forfait sont avant tout des outils de simplification de la rémunération et d’aménagement du temps de travail.

En droit français, deux catégories de forfait existent :

Le forfait avec référence horaire

L’employeur et le salarié conviennent d'un horaire comportant l'accomplissement d'un nombre constant d'heures supplémentaires, en contrepartie d’un salaire forfaitaire.

Le salaire est calculé selon le nombre d’heures supplémentaires effectuées dans la semaine, dans le mois ou dans l’année.

Il existe deux types de forfaits avec référence horaire : (article L.3121-56 du Code du travail)

  • Le forfait en heures sur le mois ou sur la semaine. Il peut être appliqué à tout salarié, cadre ou non, qu’il jouisse ou non d’une certaine autonomie dans la gestion de son temps.
  • Le forfait en heures sur l’année. Il est réservé aux cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable à l’entreprise, ainsi qu’aux salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.

Le forfait sans référence horaire

Ce forfait peut être prévu lorsqu’il est impossible de déterminer avec certitude le nombre d'heures de travail effectué en raison des fonctions exercées par le salarié.

Il existe deux types de forfaits sans référence horaire :

  • Le forfait annuel en jours (prévu à l’article 3121-58 du Code du travail). Dans ce cas, la rémunération est calculée en contrepartie des jours travaillés dans l’année, sans tenir compte du nombre d’heures réellement travaillées.
  • Le forfait indéterminé. Dans cette situation, le salaire ne correspond pas à un horaire ou à un nombre de jours de travail déterminé. Il s’agit du statut de « Cadre dirigeant », réservé aux cadres qui répondent aux trois conditions cumulatives suivantes ( trav. art. L. 3111-2) :
  • ils assument des responsabilités dont l’importance implique une « grande indépendance » dans l’organisation de leur emploi du temps ;
  • ils détiennent le pouvoir de prendre des décisions de façon largement « autonome » ;
  • ils bénéficient d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération en vigueur dans l’entreprise.

 

Nous faisons le focus, ici, sur le forfait annuel en jours prévu par la Convention collective Syntec.

Le forfait annuel en jours permet d’échapper à toute notion de travail « en heures », le temps de travail ne se décomptant plus en heures, mais en nombre de jours. En contrepartie du nombre de jours travaillés sur l’année, un nombre de jours de repos supplémentaires va être octroyé au salarié.

 

1. Quels sont les salariés éligibles ?

Sont éligibles au forfait annuel en jours deux types de salariés (article L.3121-58 du Code du travail) :

  • D’une part, les salariés cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés,
  • D’autre part, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

En dehors de ces règles légales, rien n’est imposé par le Code du travail de sorte que les employeurs peuvent, sous réserve de respecter ces dispositions, définir eux-mêmes les niveaux conventionnels qui pourront rendre éligibles au forfait annuel en jours.

Néanmoins, les dispositions conventionnelles doivent toujours être respectées.

Ainsi, lorsque l'accord collectif qui établit le forfait annuel en jours précise une classification minimale d’entrée dans le dispositif, ces dispositions doivent impérativement être respectées (sous réserve des règles relatives à l’articulation branche/entreprise). (Cass. Soc., 3 nov. 2011, n° 10-14.638)

Comment s’analyse le critère de l’autonomie du salarié ?

Un salarié qui, tout en étant soumis aux directives de son employeur ou de son supérieur hiérarchique dans le cadre de la réalisation de ses missions, reste maître de l’organisation de son emploi du temps, est considéré comme « autonome ».

Pour savoir si le salarié respecte cette définition, il faut vérifier s’il est, en pratique, suffisamment libre dans l’organisation de son emploi du temps et de la réalisation de ses missions.

Aucun critère précis n’a été défini par la jurisprudence néanmoins, il est possible de considérer qu’un salarié est suffisamment autonome s’il détermine librement ses prises de rendez-vous, ses heures d’arrivée et de sortie en tenant compte de la charge de travail afférente à ses fonctions, ou encore la répartition de ses tâches au sein d’une journée ou d’une semaine, l’organisation de ses congés en tenant compte des impératifs liés au bon fonctionnement de l'entreprise et dans le respect des modalités de prises de congés fixées par l’employeur.

De manière générale, l’on constate une incompatibilité avec l’obligation de suivre un planning (Cass. Soc., 27 mars 2019, n°17-31.715). Ainsi, pour la Cour de cassation, le salarié soumis à un planning imposant sa présence dans l'entreprise ne peut pas être soumis à un forfait annuel en jours (Cass. Soc. 15 décembre 2016 n°15-17.568Cass. Soc. 31 octobre 2012 n°11-20.986 - Cass. Soc. 27-3-2019 n° 17-31.71).

Le salarié peut-il pour autant faire ce qu’il le souhaite pendant sa journée de travail ?

La réponse a été donnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 2022 (Cass. Soc. 2 février 2022 n°20-15.744).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient confirmer une solution bienvenue, à savoir que la convention de forfait annuel en jours ne donne pas pour autant au salarié le droit de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail décidée par l'employeur !

En l’espèce, elle a dit que l’employeur pouvait imposer à la salariée des demi-journées ou les journées de présence en fonction des contraintes liées à l'activité de la clinique vétérinaire pour les rendez-vous donnés aux propriétaires des animaux soignés. Hors de ce cadre, la salariée pouvait organiser sa journée de travail comme bon lui semblait. Elle était donc libre de ses horaires et pouvait déterminer ses interventions à sa guise ; le forfait annuel en jours était donc valable.

Faut-il prendre en considération la taille de l’entreprise lors de la mise en place du forfait annuel en jours ?

Dans un autre arrêt du 25 janvier 2023 (n°21-16.825), la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que la taille de l’entreprise ou le nombre de salariés ne constituent pas des critères permettant d’apprécier l’autonomie d’un salarié ni de justifier ne pas suivre l’horaire collectif. Seules doivent être analysées la capacité d’organisation du salarié et les modalités réelles d’exercice de ses missions.

Et dans la convention collective Syntec ?

Dans son avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, la CCN Syntec limite les niveaux des salariés pouvant être soumis à un forfait annuel en jours.

Ainsi, elle indique que les salariés qui peuvent être concernés sont ceux :

  • Exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d'une large autonomie, liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées ;
  • Qui disposent de la plus large autonomie d'initiative et assument la responsabilité pleine et entière du temps qu'ils consacrent à l'accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l'entreprise. Ils doivent donc disposer d'une grande latitude dans leur organisation du travail et la gestion de leur temps.

Les salariés soumis au forfait annuel en jours relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres, ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le PASS, ou sont mandataires sociaux.

A noter : ces dispositions sont celles actuellement en vigueur et étendues. Un avenant actuellement en attente d’extension a été signé le 13 décembre 2022 et est venu modifier les dispositions de l’accord relatif à la durée du travail du 22 juin 1999. A son article 2.1, l’avenant élargit les conditions d’accès à une convention individuelle de forfait annuel en jours en autorisant les salariés relevant de la position 2.3 à accéder à cet aménagement du temps de travail.

 

2. Les formalités obligatoires de mise en place du forfait annuel en jours dans l’entreprise ?

Le combo gagnant : un accord collectif et une convention individuelle de forfait

Afin de mettre en place le forfait annuel en jours valablement, il convient de remplir deux formalités essentielles : d’une part, être soumis à un accord collectif de branche ou avoir négocié un accord d’entreprise prévoyant cet aménagement du temps de travail, et, d’autre part, insérer dans le contrat de travail du salarié une convention individuelle de forfait afin d’obtenir son accord exprès (condition prévue à l’article L.3121-55 du Code du travail – condition reprise par la jurisprudence : Cass. Soc., 19 févr. 2014, n° 12-26.479).

En la matière, il convient de rappeler que l’accord d’entreprise primant sur l’accord de branche, les dispositions des deux types d’accords s’ils existent tous deux dans l’entreprise devront être vérifiées pour vous assurer de bien respecter les dispositions appropriées ! (Circulaire DGT n°20 du 13 novembre 2008)

L’article L.3121-64 du Code du travail précise les mentions obligatoires devant figurer dans l’accord collectif. Celui-ci doit ainsi faire figurer des éléments essentiels, tels que :

  • Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
  • La période de référence du forfait (année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs) ;
  • Le nombre de jours compris dans le forfait (dans la limite de 218 jours) ;
  • Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences et des arrivées et départs en cours de période ;
  • Les caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait (notamment le nombre de jours) ;

Il doit aussi faire figurer :

  • Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • Les modalités d’évaluation de la charge de travail, de l'articulation vie professionnelle vie personnelle, la rémunération et de l'organisation du travail dans l'entreprise ;
  • Les modalités d’exercice du droit à la déconnexion, conformément à l’article 2242-17 du Code du travail.

A noter que ces trois dernières dispositions peuvent être remplacées par l’instauration de ces modalités de manière unilatérale par l’employeur, lorsque l’accord collectif applicable n’est pas suffisant ou qu’il ne contient pas de telles dispositions. Il s’agit d’une possibilité qui a été instaurée par la loi Travail pour éviter la remise en cause de nombres d’accords antérieurs à l’introduction de telles dispositions (Article L.3121-65 du Code du travail).

S’agissant de la convention individuelle de forfait jours signée par le salarié, celle-ci doit uniquement comporter, selon le Code du travail, le nombre de jours de travail. En pratique, elle contiendra de nombreuses références aux règles applicables, afin de permettre à l’employeur de remplir ses obligations d’information.

Le cas particulier de la CCN SYNTEC

Selon la Convention collective Syntec, en son article 4.2, la conclusion d'une convention individuelle de forfait annuel en jours fait impérativement l'objet d'un écrit signé par les parties, contrat de travail ou avenant annexé à celui-ci.

L'avenant ainsi proposé au salarié explicite précisément les raisons pour lesquelles le salarié concerné est autonome ainsi que la nature de ses fonctions.

La convention individuelle doit faire référence à l'accord collectif de branche ou d'entreprise applicable et énumérer :

  • la nature des missions justifiant le recours à cette modalité ;
  • le nombre de jours travaillés dans l'année ;
  • la rémunération correspondante ;
  • le nombre d'entretiens.

A noter, selon les dispositions résultant de la Convention collective Syntec, article 4.4, le salarié concerné doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120% du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d’un forfait annuel de 218 jours travail ou du forfait défini en entreprise.

Et si le salarié refuse de signer une conventionnelle individuelle de forfait annuel en jours ?

Le refus de signer une convention individuelle de forfait en jours sur l'année ne remet pas en cause le contrat du salarié et n'est pas constitutif d'une faute. En effet, la conclusion d’une convention de forfait en jours constitue une modification du contrat de travail en ce qu’elle touche à la durée du travail, laquelle est un élément essentiel du contrat de travail.

Le refus du salarié d’accepter une telle modification n’est pas constitutif d’une faute et donc d’un motif de licenciement (à l’exception d’un éventuel motif économiques sous-jacent à une demande de modification du contrat, auquel cas il conviendra de respecter la procédure imposée dans ce type de cas et il conviendra de respecter les exigences légales et jurisprudentielles, ce qui ne sera pas évident !).

La situation est la même lorsqu’une convention de forfait annuel en jours est mise en place par voie d’APC (Accord de performance collective). Même dans ce cas de figure, il est considéré que le salarié peut toujours refuser la mise en œuvre du forfait à son égard et ce refus ne saurait être considéré comme un motif de licenciement en soi ! (Questions-réponses DGT - L’accord de performance collective – juillet 2020 – questions 16 et 18)

 

3. Nombre de jours travaillés, décompte et contrôle

Le principe

Le nombre de jours travaillés dans l’année et fixé par l’accord collectif ne peut pas excéder 218 jours par an, journée de solidarité comprise, conformément à l’article L.3121-43 du Code du travail.

Bien entendu, le texte légal précise qu’il s’agit d’un nombre maximum de jours travaillés par an. Un accord collectif peut tout à fait prévoir un nombre de jours inférieur à 218 jours par an, auquel cas l’entreprise qui applique cet accord devra respecter la limite fixée par l’accord (Cass. Soc. 9 juillet 2003 n°01-42.451).

A cet égard, le salarié est en principe tenu de travailler le nombre de jours indiqué dans l’accord collectif.

La possibilité de travailler selon un forfait annuel en jours réduit

Il est en effet toujours possible de convenir avec un salarié d’un forfait jours dit « réduit », c’est-à-dire inférieur au plafond légal de 218 jours ou conventionnel applicable.

Il ne s’agit pas d’un temps partiel ! En ce sens, les dispositions légales relatives aux mentions contractuelles ne sont pas obligatoires, comme a pu le rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 27 mars 2019 n°16-23.800.

En pratique, la même convention individuelle sera conclue avec un salarié, sous réserve des modifications à apporter au nombre de jours de travail prévu sur l’année. La rémunération du salarié sera adaptée en conséquence (ce qui devra être prévu contractuellement également).

Quelles sont les obligations en matière de décompte et de contrôle des jours travaillés ?

Les derniers textes législatifs ont adapté les dispositions légales applicables aux évolutions de la jurisprudence, avec un focus non feint sur les problématiques de suivi de la charge de travail du salarié et de respect des obligations de santé et de sécurité de l’employeur.

A cet égard, l’employeur se doit de respecter les dispositions de l’article L.3121-60 du Code du travail lequel prévoit que l’employeur doit s’assurer que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition de son temps de travail.

Cela passe par l’obligation de prévoir les modalités de décompte et de contrôle des jours de travail (en journées ou demi-journées) dans l'accord collectif autorisant la conclusion des conventions de forfait en jours.

À défaut de précision dans l'accord, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillés. Ce document peut être établi par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Il peut s'agir d'un système auto-déclaratif, à condition qu'un contrôle effectif soit opéré par le supérieur hiérarchique du salarié sur le document relatif à ses jours et à sa charge de travail, comme l’indiquait la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 septembre 2016 (n°14-26.256).

De manière générale, l’employeur doit mettre en place un suivi objectif, fiable et contradictoire.

Il est également tenu de faire apparaître, dans le document de contrôle, le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés (en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre du respect du plafond de 218 jours, etc.).

 

4. Quelles sont les autres obligations en matière de suivi de la charge de travail des salariés ?

Depuis des années, la Cour de cassation exige que toute convention de forfait annuel en jours soit conclue dans le cadre d’un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect du caractère raisonnable de l’amplitude et la charge de travail. Cela ressort notamment d’un important arrêt du 29 juin 2011, par lequel la Cour de cassation a, pour la première fois, que l’employeur devait respecter les dispositions conventionnelles destinées à « assurer la protection de la sécurité et la santé du salarié » (Cass. Soc. 29 juin 2011 n°09-71107)

Ces exigences ont été reprises par la Loi Travail du 8 août 2016 laquelle a consacré les principes jurisprudentiels en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours et a prévu un certain nombre de mentions obligatoires sur le sujet, comme nous l’avons vu supra.

Désormais, est également inscrit comme un principe d’ordre public l’obligation pour l’employeur de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition de son temps de travail. (Article L3121-60 du Code du travail)

Concrètement, aux termes des articles L.3121-64 et L.3121-65 du Code du travail, l’employeur doit respecter les dispositions conventionnelles prévues en la matière ou bien, en leur absence, doit appliquer les mesures supplétives inscrites dans la loi, aux termes desquelles :

  • L'employeur établit un document de contrôle du nombre de jours travaillés faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
  • L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération ;
  • L'employeur définit et communique par tout moyen au salarié les modalités d'exercice de son droit à la déconnexion.

Les dispositions particulières prévues par la CCN Syntec

Les derniers accords conclus dans la branche Syntec comportent plusieurs dispositions relatives au contrôle par l'employeur des temps de repos, de la charge de travail et de l'amplitude des journées de travail des salariés soumis à un forfait annuel en jours.

En particulier, la convention collective contient des dispositions en ses articles 4.7 et 4.8 lesquelles viennent préciser les obligations des employeurs de la branche en matière de suivi de la charge de travail, de comportement à adopter en cas d’alerte du salarié et de droit à la déconnexion.

 

5. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de temps de repos ?

Une obligation strictement appréciée par la jurisprudence

Certes, les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire de 35 heures, ni à la durée quotidienne maximale du travail et aux durées hebdomadaires maximales, conformément aux dispositions de l’article L. 3121-62 du Code du travail.

Pour autant, cela ne signifie pas que les salariés concernés soient exempts de cadre, bien au contraire.

En effet, les repos quotidien (11 heures consécutives) et hebdomadaire doivent bien, eux, être observés.

Ainsi, dans un arrêt du 9 novembre 2022 (n°21-13.389), la chambre sociale de la Cour de cassation a posé le principe que si le contrôle de l’amplitude et de la charge de travail revient à l’employeur, il doit également veiller à ce que les temps de repos des salariés soient bien respectés. En l’espèce, elle a estimé que si l’accord comportait bien les garanties liées au repos hebdomadaire et quotidiens des salariés, les juges ont considéré que ces dispositions conventionnelles n’étaient pas suffisantes car aucune mesure spécifique n’assurait le contrôle des temps de repos. Le système reposant exclusivement sur l’engagement du salarié de veiller lui-même au respect de ses temps de repos. En conséquence, la convention de forfait a été jugée nulle et le salarié en droit de demander le paiement d’heures supplémentaires.

En pratique, la tâche est relativement ardue !

Et dans la CCN SYNTEC ?

La convention collective Syntec rappelle toutes les obligations légales prévues dans le code du travail.

En particulier elle indique que l’employeur :

  • a l’obligation d’afficher dans l’entreprise le début et la fin d’une période quotidienne et hebdomadaire au cours desquelles les durées de repos doivent être respectées ;
  • a également une obligation de s’assurer de la déconnexion effective du salarié ;
  • doit s’assurer que la charge de travail et l’amplitude des journées restent raisonnables.

Le salarié a la possibilité d’émettre une alerte en cas de difficulté inhabituelle portant sur les aspects d’organisation et de charge de travail ou en cas d’isolement professionnelle. Cette alerte provoque un entretien obligatoire sous 8 jours donnant lieu à la prise de mesures avec un compte-rendu et un suivi.

L’employeur transmet une fois par an aux élus le nombre d’alertes émises par les salariés et les mesures prises.

En cas de difficulté inhabituelle, se tiennent deux entretiens annuels et un entretien individuel spécifique, évoquant la charge individuelle de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation vie professionnelle / vie privée, la rémunération du salarié, et un bilan sur la durée des trajets professionnels, l’amplitude des journées de travail, l’état des jours non travaillés pris et non pris.

 

6. Comment s’organisent les jours de repos ?

La règle générale

Les jours de repos sont en principe déterminés en début d’année (ou de période de référence).

En principe, pour calculer le nombre de jours de repos annuel dans le cadre de la convention de forfait, il est nécessaire de :

  • Déterminer le nombre de jours (calendaires) dans l’année ;
  • Déduire le nombre de samedis et de dimanches dans l’année ;
  • Déduire le nombre de jours maximum de travail dans l’année ;
  • Déduire les jours ouvrés de congés payés ;
  • Déduire les jours fériés tombant entre le lundi et le vendredi.

Ce calcul doit être réalisé chaque année dès lors que les jours fériés tombant sur des jours ouvrés varient selon les années (et, certaines années étant bissextiles, il peut arriver que le nombre de jours calendaires ne soit pas identique d’une année sur l’autre).

En pratique, les salariés soumis à un forfait annuel en jours bénéficieront de 8 à 11 jours de repos supplémentaires sur l’année, selon ce calcul.

Les modalités de prise des jours de repos sont généralement fixées dans l’accord collectif de branche ou d’entreprise qui a mis en place la convention de forfait annuel en jours.

Lorsqu’à la fin de la période de prise des jours de repos, certains salariés ont encore des jours à prendre, des dispositions particulières dans l’accord collectif peuvent prévoir un report ou un paiement des jours de repos. Dans certaines entreprises, un compte épargne-temps peut également être mis en place.

En l’absence de dispositions particulières dans l’accord, le salarié qui ne respecte pas la période de prise perd ses jours de repos en fin de période. Néanmoins, attention, c’est à l’employeur de prouver qu’il a permis au salarié de prendre ses repos ! (Cass. Soc., 9 mai 2019, n°17-27.448).

Et si le salarié travaille plus que prévu pendant l’année ?

Il existe un dispositif communément appelé « rachat de jours de repos » lequel permet, en pratique, à un employeur et à un salarié de se mettre d’accord pour augmenter le nombre de jours travaillés sur la période annuelle par ce dernier.

Ce dispositif est prévu à l’article L.3121-59 et L.3121-64 du code du travail, lequel prévoit que le nombre maximal de jours de travail par an ne peut excéder 235 jours.

Pour être valablement mis en œuvre, doivent être respectées les dispositions suivantes :

  • Un avenant individuel doit être conclu avec le salarié ;
  • L’avenant ne vaudra que pour l’année en cours et ne pourra pas être à durée indéterminée ;
  • Les jours de repos non pris et « cédés » par le salarié seront rémunérés à un taux horaire majoré d’au moins 10%, le taux devant être fixé dans la convention de rachat.

Cas particulier de la CCN SYNTEC

L’article 4.6 de l’accord du 22 juin 1999 prévoit des dispositions relatives au rachat des jours de repos.

Il indique tout d’abord que le positionnement des jours de repos par journée entière et indivisible du salarié en forfait annuel en jours se fait au choix du salarié, en concertation avec la hiérarchie, dans le respect du bon fonctionnement du service dont il dépend.

Puis, il précise qu’en accord avec leur employeur, les salariés peuvent racheter des jours de repos moyennant le versement d'une majoration minimum de :

  • 20 % de la rémunération jusqu'à 222 jours
  • et 35 % au-delà.

Ce dispositif de rachat ne pouvant avoir pour conséquence de porter le nombre de jours travaillés au-delà de 230 jours.

 

7. Les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions applicables

Selon les cas, deux types de sanctions sont prévues, lesquelles amènent à la même condamnation :

  • Si les accords exigés n’existent pas ou sont insuffisants (hors modalités de suivi de la charge de travail du salarié dont on a vu qu’elles pouvaient être « rattrapées en pratique par l’employeur »), alors, la convention de forfait en jours sera considérée comme nulle, ou inopposable au salarié ;
  • Si les dispositions conventionnelles existent, mais ne sont pas respectées par l’employeur, alors la convention sera privée d’effet.

La différence résidant dans le fait pour l’employeur d’être en mesure de régulariser la situation pour l’avenir dans la seconde hypothèse, ce qui n’est pas possible dans la première, sauf à renégocier des accords appropriés.

Dans les deux cas, le salarié pourra demander un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période d’application du forfait en jours nul ou pour la période pendant laquelle l’employeur était défaillant dans ses obligations.

Dans ce cadre, le salarié pourra demander un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dans la limite du délai de prescription (Cass. Soc., 27 mars 2019, n° 17-23.314).

L’employeur s’exposera à un certain nombre d’autres sanctions telles que le travail dissimulé, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour non-respect des règles relatives au repos et durées maximales du travail, ou encore pour non-respect des obligations de santé et de sécurité, etc.

En contrepartie, maigre compensation, l’employeur pourra solliciter le remboursement des jours de repos pris par le salarié au titre d’une convention finalement privée d’effet ou nulle. (Cass. Soc. 4 décembre 2019 n°18-16937)

 

Les condamnations en la matière sont nombreuses et significatives, il ne faut pas les négliger !

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