Votre cabinet en droit du travail
et de la sécurité sociale.
En France, nombreux sont les employeurs qui mettent à la disposition de leurs salariés, un véhicule de fonction. En 2023, 1,2 million de véhicules de fonction avaient été octroyés aux salariés.
Il s’agit d’un dispositif très avantageux pour les employeurs comme pour les salariés, mais qui représente une perte sèche dont le gouvernement souhaiterait réduire le montant, comme annoncé récemment en 2024.
Revenons sur ce dispositif et les nouveautés à venir en la matière.
Le véhicule de fonction est un véhicule fourni par l’entreprise au salarié dont il peut avoir à la fois l’usage professionnel et personnel.
Ce dispositif rencontre un succès qui résulte du dispositif social et fiscal avantageux qui est associé.
Pour le salarié, l’avantage est significatif. Ce dernier fait l’économie de l’achat d’un véhicule et des frais de maintenance qui s’y rapportent. En contrepartie, le véhicule est évalué pour une valeur mensuelle, laquelle va servir de base de calculs des cotisations à régler. Néanmoins, le barème actuel est tellement bas que, même déclaré, le véhicule de fonction reste un avantage non négligeable pour un collaborateur. La part soumise à cotisations sociales et impôts sur le revenu reste ainsi très minoritaire.
Pour l’employeur, accorder un avantage en nature tel qu’une voiture de fonction plutôt que de rémunérer le salarié en espèces permet également d’appliquer un régime social et fiscal de faveur. Premièrement, un amortissement ainsi qu’une déduction de l’assiette fiscale sont possibles sur le montant de l’achat du véhicule, ce qui permet une réduction de l’assiette de calcul de l’impôt sur les sociétés. Deuxièmement, du fait du taux relativement bas du barème d’évaluation de l’avantage, le montant des cotisations patronales assises sur la valeur du véhicule de fonction (après application du barème) reste très avantageux en comparaison de ce qu’il conviendrait de régler en cas de paiement d’un complément de salaire équivalent au salarié, lequel serait soumis entièrement à cotisations.
Le système d’évaluation du véhicule de fonction est prévu par l'arrêté du 10 décembre 2002, lequel instaure les règles d’évaluation des avantages en nature.
Cet arrêté prévoit que le véhicule peut être acheté ou bien loué par l’employeur. La prise en charge ou non des frais de carburant du salarié est également déterminée par l’employeur. L’employeur fait le choix d’un mode d’évaluation de l’avantage sur la base d’un forfait ou des frais réellement engagés. Ce choix peut être modifié en fin d’exercice selon ce qui lui semble le plus favorable.
En fonction de ces choix, le mode d’évaluation et son montant varient.
A titre indicatif, voici un tableau récapitulatif des différentes règles d’évaluation :
Évaluation forfaitaire | Évaluation au réel | |
---|---|---|
Véhicule acheté | Frais de carburant à la charge du salarié | |
9 % du coût de l’achat TTC pour un véhicule de 5 ans ou moins |
Dépenses prises en compte : Amortissement du prix d’achat du véhicule TTC : 20 % par an pour un véhicule de 5 ans ou moins 10 % par an pour un véhicule de plus de 5 ans Évaluation : Dépenses ci-dessus x kilomètres parcourus par an pour l’usage privé / Total des kilomètres parcourus par an |
|
6 % du coût de l’achat TTC pour un véhicule de plus de 5 ans | ||
Frais de carburant à la charge de l’employeur | ||
Soit 9 % du coût total de l’achat TTC pour un véhicule de 5 ans ou moins et frais réels de carburant exposés pour un usage privé Soit 12 % du coût total de l’achat TTC |
Ajouter les frais de carburant pour l’usage privé payés par l’employeur | |
Soit 6 % du coût de l’achat TTC pour un véhicule de plus de 5 ans et frais réels de carburant exposés pour un usage privé Soit 9 % du coût de l’achat TTC |
||
Véhicule loué | Frais de carburant à la charge du salarié | |
30 % du coût des loyers (tout inclus : entretien, assurance) dans la limite d’un plafond |
Dépenses prises en compte : Coût global TTC de la location, de l’assurance et de l’entretien Évaluation : Dépenses ci-dessus x kilomètres parcourus par an pour l’usage privé / Total des kilomètres parcourus par an |
|
Frais de carburant à la charge de l’employeur | ||
30 % du coût des loyers (tout inclus : entretien, assurance) dans la limite d’un plafond et les frais de carburant utilisé pour l’usage privé, dans les limites d’un plafond Ou 40 % du coût des loyers (tout inclus : entretien, assurance) dans la limite d’un plafond et frais de carburant professionnels et personnels dans les limites d’un plafond |
Ajout des frais de carburant utilisé pour l’usage privé payés par l’employeur |
Le véhicule de fonction, comme son nom l’indique, est perçu comme nécessaire à l’exercice des fonctions du salarié, la part d’utilisation personnelle du véhicule étant considérée comme minoritaire. C’est dans ce cadre que le dispositif a été mis en place.
Ces dernières années, l’usage a évolué et est devenu un moyen d’optimisation des coûts ; il fait désormais, le plus souvent, partie intégrante du package de rémunération de salariés dont les fonctions n’impliquent pas nécessairement de déplacements. Une telle pratique résulte à l’évidence du fait qu’il est préférable de mettre en place un avantage en nature avec un véhicule de fonction plutôt que de verser un salaire plus conséquent.
C’est ce que déplorait une étude publiée le 21 octobre 2024 par l’organisation Transport & Environnement, qui indiquait qu’environ 20 % des véhicules de fonction seraient des voitures dites « statutaires » désormais.
Le phénomène de niche brune est aussi mis en évidence par l’organisation Transport & Environnement : selon elle, la part d’usage personnel du véhicule est très largement sous-estimée et se traduit par une importante perte de recettes pour la Sécurité sociale en raison de la baisse des cotisations sociales et pour l’Etat avec la baisse de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés.
Dans ce contexte, une réforme de l'arrêté du 10 décembre 2002 instaurant les règles d’évaluation de l’avantage en nature a été annoncée par le gouvernement. Cette évaluation devrait être revue à la hausse uniquement pour les véhicules thermiques, le régime pour les véhicules électriques n’étant pas visé pour le moment.
A noter
Un arrêté ministériel peut être modifié à tout moment par le gouvernement sans passer par la voie législative. C’est ce qui explique que cette réforme n’a pas été insérée au cœur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale ou du projet de loi de finances pour 2025.
A date, il est prévu que lorsque le véhicule est acheté par l’employeur et qu’il ne débourse pas les frais de carburant pour l’utilisation personnelle du salarié, l’évaluation au forfait sera de 18 % du coût d’achat TTC, contre 9 % actuellement pour les véhicules de moins de 5 ans. Si au contraire l’employeur prend en charge les frais de carburant, l’évaluation au forfait sera augmentée de 12 % à 24 % du coût d’achat TTC.
Il en est de même lorsque le véhicule est loué par l’employeur. Lorsque les frais de carburant ne sont pas pris en charge, l’évaluation au forfait sera de 50 % du coût global des loyers dans les limites d’un plafond, contre 30 % actuellement. Si l’employeur prend en charge les frais de carburant, l’évaluation au forfait sera augmentée de 40 % à 60 % du coût global des loyers dans les limites d’un plafond.
Cette réforme représenterait un gain considérable sur les avantages en nature fournis par les entreprises, rapportant jusqu’à 4 milliards d’euros au gouvernement.
L’objectif secondaire de cette réforme pourrait également être de relancer le marché automobile en poussant les entreprises à se tourner vers une électrification de leurs parcs, dès lors que les véhicules électriques ne seront pas concernés par la hausse du barème.
En effet, en France, seulement 11 % des véhicules d’entreprises neufs sont électriques, contre 35 % en Belgique par exemple, alors même qu’une réglementation impose une transition depuis 2024. La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 requière notamment que 20% de la flotte d’une entreprise disposant d’un parc automobile de plus de 100 véhicules soit constituée de véhicules électriques à compter de 2024, puis de 40% à compter du 1er janvier 2027 pour atteindre 70% à l’horizon 2030.
Selon les informations à date, et si les chiffres qui sont actuellement envisagés sont maintenus, le dispositif d’avantage en nature concernant les véhicules de fonction demeurerait attractif pour les entreprises comme pour les salariés. L’augmentation à prévoir resterait inférieure au coût global d’un véhicule personnel pour le salarié et au versement d’un complément de salaire pour l’employeur.
Les entreprises devront rester vigilantes pour mettre à jour leur dispositif lorsque la réforme sera effective.
Vous souhaitez être informés de l’entrée en vigueur de cette réforme ? Contactez-nous ou inscrivez-vous à notre newsletter.